vendredi 6 mai 2011

Sur les traces de la collaboration

«Le syndicalisme des années 1970 en était un de combat et d'affrontement contre l'État keynésien et providentiel ; le syndicalisme des années 1990 en est un de partenariat 
avec l'État néolibéral.» 
-Jean-Marc Piotte, Du combat au partenariat 


Télécharger la version pdf

À CE QU'ON EN DIT...

Les circonstances récentes ont ramené de l’avant la question de l'alliance de l'ASSÉ avec les fédérations en vue de former un front uni et fort face aux attaques du gouvernement qui restreignent l'accessibilité aux études. De ce fait, le discours pro-alliance récurrent s'est enrichi d'arguments issus d'événements survenus dans les derniers mois pour justifier un rapprochement entre l'ASSÉ et les fédérations. On nous rabâche sans cesse qu’il faut laisser de côté les petites guéguerres entre l'ASSÉ et les fédérations. Ainsi, les tenants de ce discours affirment que les motifs de chicanes sont superficiels et qu’il s'agit de divergences interpersonnelles et des vieilles rancunes. Notre ennemi serait trop organisé, et nous ne serions pas assez forts et fortes pour mener la lutte seul-e-s, ni capables de démarrer un mouvement global. Aux yeux de la population, la division du mouvement étudiant s’apparenterait à un manque de coordination. Ainsi, elle affaiblirait notre argumentaire et nous semblerions «manquer de sérieux» auprès du gouvernement, qui exploiterait ces failles et ces dissensions contre nous. Or, le mouvement étudiant est divisé. Une union de façade ne trompera personne. On minimise, affirmant que «de toute façon, ce ne sont plus les mêmes personnes qui s'impliquent dans les fédérations qu'en 2005: d'ailleurs il n'y a qu'à regarder toutes les actions directes de la FECQ pour constater un changement de culture; ils ont compris que l’action directe est plus efficace que la concertation! Les nouveaux exécutifs des fédérations sont de bonne foi (les événements récents l'ont montré) et on ne devrait pas rejeter des allié-e-s potentiel-le-s par paranoïa. De toute façon, une alliance pour une manifestation ne veut pas dire que nous renonçons à nos principes, ni que nous formons une alliance permanente: ça ne sert à rien de perdre du temps et de l'énergie avec ça puisque ce n’est pas vrai qu'il y a une alliance à moyen ou long terme qui se prépare. Pour une fois que notre cible est commune et que l’on s'entend sur une revendication, il faut en profiter. Il ne faut pas être dogmatiques et fermé-e-s d’esprit, tout n'est pas noir ou blanc! Et puis, si on ne fait pas de compromis, on risque de ne rien avoir du tout, alors que si l’on se montre  capables de discuter, le gouvernement ne pourra pas nous refuser l'accès aux tables de négociations, où l’on pourra influencer la teneur des discussions et obtenir des gains assurés. Tout ça montre que le contexte actuel est favorable à une alliance, que celle-ci est même nécessaire pour vaincre.» 

Ce type de discours soulève d’importantes questions. Peut-on ignorer ce que l’expérience des grèves passées nous a appris des fédérations étudiantes? Quels sont les fondements démocratiques de cette volonté d'alliance du côté de l'ASSÉ? Pourquoi les associations membres de l'ASSÉ renonceraient-elles à diriger d'elles-mêmes cette lutte pour laisser les rênes aux exécutifs des fédérations et de l'ASSÉ? Pourquoi insister pour créer une fausse image de consensus entre des associations en profond désaccord politique? Quel est le coût réel de l’union à tout prix? En réalité, l'exécutif de l'ASSÉ n'a aucun mandat pour une telle alliance et ses associations membres n'ont aucun avantage à délaisser le pouvoir qu'elles peuvent exercer légitimement à travers l'ASSÉ. La feuille de route des fédérations montre que les divergences entre les points de vue sont fondamentalement irréconciliables. Si cette alliance est envisageable, ce n’est que parce que les stratégies médiatiques et de négociation de l’ASSÉ ressemblent de plus en plus à celles des fédérations. Même les différences entre les pratiques démocratiques de ces organisations s’amenuisent de plus en plus. Théoriquement, à l’ASSÉ, ce sont les étudiant-e-s qui doivent se prononcer sur les issues de collaborations futures avec les fédérations, mais le congrès annuel 2010-2011 a démontré la faible pratique de la démocratie directe dans la prise de décisions. Seulement trois associations avaient des mandats d’assemblées générales en vue de l’adoption d’un plan d’action et de revendications pour l’année à venir. Malgré tout, le porte-parole de l’ASSÉ soutient, dans un article de Rue Frontenac faisant un retour sur le congrès, que « ce qui a été voté par les délégués des associations, c’est un plan d’action. Mais évidemment, les associations étudiantes doivent tenir des assemblées et se positionner»[1]. Il ne s’agit pas ici de démocratie directe, mais de centralisme démocratique, contrairement à ce qu’il affirme. Il est grand temps de remplacer le vain culte du consensus par une saine culture du conflit à l'ASSÉ.


LE SYNDICALISME DE COMBAT ET LA CONCERTATION

Le syndicalisme québécois a changé au cours des dernières décennies. Dans les années 1970, les trois grandes centrales syndicales (CSN, FTQ, CEQ) ont toutes flirté avec le marxisme très en vogue à l’époque. Elles ont publié des manifestes virulents qui, au-delà de la défense corporatiste des syndiqué-e-s, critiquaient les rapports sociaux capitalistes dans leur ensemble et visaient la transformation radicale de la société. Ces discours étaient soutenus dans la pratique par une stratégie conséquente, bien que celle-ci, il est vrai, se soit avérée impuissante sur le long terme. Les conflits de travail étaient plus fréquents qu’à partir des années 1980. On a assisté à des mobilisations monstres comme celles du Front commun de 1972. Dans le mouvement étudiant, un mouvement combatif restait sur ses gardes. Organisé largement autour de l’Association nationale des étudiants et étudiantes du Québec (ANEEQ) à partir de 1975, le mouvement étudiant exerçait un rapport de force suffisant pour contraindre l’État à ne pas sabrer comme il le fait maintenant. Des grèves ont permis d’apporter des gains durables. Les frais universitaires sont restés gelés pendant cette période et le régime d’aide financière était plus favorable que maintenant. Fleuron du syndicalisme de combat, l’ANEEQ est considérée comme l’ancêtre du Mouvement pour le droit à l’éducation (MDE) et de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ).

Le contexte des années 1980 allait favoriser la montée en puissance d’un type de syndicalisme qui abandonne le conflit au profit d’un nouveau partenariat. Sur un fond de «crise» des finances publiques, d’une montée du néolibéralisme et d’une démolition des acquis syndicaux, les stratégies syndicales se transforment. Le Parti Québécois de René Lévesque n’ayant plus à séduire personne à des fins référendaires lors de son deuxième mandat, il impose des conventions collectives à ses 320 000 fonctionnaires, adoptant au passage quelques lois spéciales à forte saveur anti-syndicale (68, 70, 72) instaurant ainsi une longue tradition québécoise qui se poursuit encore aujourd’hui. C’est l’époque de la mise sur pied des grands sommets corporatistes : le Sommet socio-économique de 1982 menant à la création du Fonds de solidarité FTQ, puis le Sommet québécois de la jeunesse de 1983 ayant pour thème: «Relever le défi de la concertation». Des initiatives comme le Fonds de solidarité dont la mission officielle est de «contribuer à la croissance économique du Québec en créant et en sauvegardant les emplois au moyen d’investissements dans les entreprises de l’ensemble des secteurs d’activité de l’économie québécoise» marquent un tournant majeur. Dix ans plus tard, loin d’une critique radicale du système capitaliste, les syndiqué-e-s se font dire par leurs chefs et leurs désormais nouveaux partners du secteur privé et de l’État qu’il vaut mieux sauver notre peau en jouant la même game que les élites. Les patrons s’en réjouissent au point où des gens comme Jacques Ménard, Président du Conseil de la Banque de Montréal et figure connue du milieu des affaires québécois, en viennent à affirmer qu’il «n’a pas de dada contre le milieu syndical, au contraire, ils font partie de la société civile à part entière. […] On ne peut pas parler de développement d’un projet de société si les dirigeants syndicaux ne sont pas à la table.»[2]  Dans le mouvement étudiant, c’est au sein du Regroupement des associations étudiantes universitaires (RAEU) et de la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec (FAECQ) que s’organise la tendance concertationniste, en 1976 et en 1982 respectivement. On les considère comme les ancêtres des fédérations étudiantes actuelles.

Jean-Marc Piotte résume bien ce passage d’un syndicalisme de combat vers une stratégie de concertation: «Auparavant, on valorisait la lutte, la grève; maintenant, on valorise l’absence de conflit, comme le révèle le président de la plus importante centrale syndicale, Clément Godbout de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ) qui se félicitait du bas niveau de grève au Québec.»[3] Ce qui distingue fondamentalement ces deux types de syndicalisme, c’est que la forme combative a comme point de départ l’existence objective d’un conflit permanent entre nos intérêts et ceux de l’État et du patronat alors que le concertationnisme postule a priori l’absence de conflit. Les organisations syndicales et patronales sont vues comme complémentaires et entretiennent de bon rapports, conséquemment elles ne se confrontent pas. Un syndicat combatif voit la grève comme une radicalisation de la lutte qu’il mène déjà de manière permanente. Elle vise à défendre les intérêts objectifs d’une masse contre ceux de l’élite. Un syndicat de combat cherche à ne compter que sur ses propres moyens. Logiquement, les puissants de ce monde ont assurément la volonté d’en prendre le plus possible. En économie classique, un tel comportement est même qualifié de rationnel. On ne peut espérer obtenir quoi que ce soit d’une entité dont les intérêts sont en opposition permanente avec les nôtres et si l’on négocie, cela devrait signifier que l’on a obtenu au préalable un rapport de force qui nous place sur un pied d’égalité avec l’État en vue de satisfaire nos revendications. Bref, nous n'avons pas à disserter sur leur volonté, mais à nous faire une idée exacte de leur pouvoir. À l’inverse, un syndicat concertationniste fait la grève pour rétablir la bonne entente momentanément mise à mal par un conflit qu’il voit comme ponctuel plus que permanent. C’est pour cela que pendant les périodes d’accalmie, les organisations comme la FECQ-FEUQ n’hésitent pas, par exemple, à demander des promesses électorales et à se rabattre sur la soi-disant bonne volonté du pouvoir, comme en témoignent leur récent appui aux positions du Parti Québécois ou encore ces mots de Pier-André Bouchard Saint-Amand, président de la FEUQ durant la grève de 2005, qui pour une rare fois dévoile le vrai visage des liens entre les cercles de pouvoir et sa clique de petits chefs étudiants: 
«C’est clair que la FEUQ est une école de politique. On développe un sens politique, une analyse et aussi des contacts au sein des acteurs sociaux comme les partis politiques par exemple. C’est sûr qu’il y a d’anciens militants qui sont dans le Parti québécois mais il y en a aussi dans le Parti libéral et aussi à l’ADQ et aussi dans les partis plus minoritaires ou au fédéral.»[4]

Les mouvements mis sur pied par les organisations concertationnistes se heurtent toujours à une contradiction majeure: lutter contre l’État tout en prenant soin de ne pas briser les bases de leur bonne entente mutuelle. Il en résulte une praxis ambigüe qui revient plus souvent à favoriser des actions qui ne font qu’entretenir le simulacre de la lutte politique contre le pouvoir. L’État et le patronat peuvent très bien se contenter de ce spectacle et même détourner à leur guise cette mauvaise mise en scène. Pensons à l’action de la FECQ-FEUQ à Montebello peu avant la grève de 2005 où elles ont appelé à perturber une rencontre de ministres libéraux en défonçant une porte avec un bélier pour après blâmer leurs propres membres lorsque le ministre Fournier leur a gentiment demandé de condamner la «violence». Disons-le, durant la grève de 2005, le ministre a beau avoir utilisé le prétexte de la «violence» pour exclure la CASSÉÉ de la table de négociations. La réalité, c’est qu’il était bien content de pouvoir compter sur des interlocuteurs comme les fédérations. Si elles n’y étaient pas, le ministre n’aurait pas eu le choix de nous parler pour trouver une issue au conflit, «violence» ou pas.

Les organisations combatives sont aussi une école politique, mais d'un autre ordre. Si la bourgeoisie choisit actuellement d'augmenter les frais de scolarité, ce n'est pas parce qu'elle est subjectivement plus méchante que dans les années 1970, où le parti libéral se positionnait pour la gratuité scolaire. Ce n'est pas seulement parce que l'opposition populaire est désorganisée. C'est surtout parce que les mesures néolibérales sont une réponse temporairement efficace à la baisse des taux de profits observée durant les deux dernières décennies du keynésianisme. Si le mouvement étudiant par sa force a la chance de limiter l'application de quelques-unes de ces mesures dans le domaine particulier de l'éducation post-secondaire, il n'a pas la puissance nécessaire pour lutter contre les logiques extrêmement néfastes du système. Le syndicalisme de combat a le potentiel de politiser les militant-e-s qui y participent, de les imprégner durablement d'une conscience profonde de leurs intérêts.

Cette confrontation pratique entre deux modes d’organisation syndicale renvoie à un conflit théorique opposant une critique marxiste de la société (syndicalisme de combat) à une analyse fonctionnaliste (concertationnisme). Les marxistes conçoivent la société en termes de rapports de force entre deux classes dont l’opposition des intérêts objectifs crée un conflit social qui est lui-même source de progrès. À notre époque, où l’on vit dans un système capitaliste qui nous fait payer pour des crises économiques qu’il crée lui-même, qui s’en prend sans cesse au peu de droits sociaux qu’il nous reste et qui maintient un ordre social qui nous empêche de réaliser notre plein potentiel, maintenir la paix sociale équivaut à rester passif face aux attaques qui nous sont faites. Le fonctionnalisme analyse plutôt la société comme semblable à un corps biologique. Chaque groupe, syndical, patronal ou autre, occupe une fonction qui assure la stabilité du tout. Dans ce cadre, un conflit entre deux classes sociales est vu comme un dysfonctionnement de la logique d’ensemble, comme une maladie du corps social plutôt que comme une forme de progrès.

Sans surprise, notre option est celle du syndicalisme de combat, car elle est la seule forme réellement démocratique qui renvoie tout le pouvoir aux assemblées générales. En constante opposition avec le concertationnisme, c’est dans les périodes de luttes que les conflits ont éclatés le plus radicalement entre les organisations de l’une et l’autre de ces tendances.


LES RAISONS DE LA COLÈRE: UNE HISTOIRE DE TENSIONS

Les organisations nationales, nous l’avons vu, sont les produits de courants en opposition. Le conflit objectif entre le syndicalisme de combat et le concertationisme n’apparaît pas clairement en période d’accalmie politique. Dans un climat de paix sociale, les rapprochements semblent plus faciles. C’est dans les périodes où la lutte s’intensifie et où le mouvement se radicalise que les vrais visages des organisations perdent leurs masques. Permettons-nous un détour historique pour mieux comprendre les tensions entre ces deux tendances et pour retracer le cheminement de l’idée de collaboration et d’union du mouvement étudiant.


1983-1990: La concertation contre l’union

Dès le début des années 1980, l’ANEEQ cohabite avec à sa droite le RAEU et la FAECQ. Fondées et dirigées par des jeunes péquistes, dont André Boisclair, ces deux dernières formulent leurs revendications en fonction de ce que le PQ est disposé à leur donner. Des critiques à leur endroit avancent qu’elles fondent leur légitimité sur la reconnaissance que leur accorde le gouvernement péquiste et les médias, plutôt que sur leur présence sur le terrain, dans les salles de classes, les cafétérias et les AG. Elles incarnent le concertationnisme et le lobbyisme. Pour leur part, ses représentants reprochent à l’ANEEQ de viser la mobilisation pour la mobilisation et de tenir un discours simpliste et jamais renouvelé qui a pour objet de provoquer un climat permanent d'insatisfaction et de confrontation qui discrédite le mouvement[5].

C’est toutefois à l’occasion d’une lutte concrète que les positions et stratégies des différentes organisations apparaissent inconciliables. En 1983, l’ANEEQ organise un congrès d’unification du mouvement étudiant contre la loi sur le financement et l’accréditation des associations étudiantes (loi 32). Si la majorité des associations en présence s’engagent à consulter leurs membres sur la position d’abrogation de la loi 32, celles faisant partie des organisations concertationnistes se retirent et s’isolent du mouvement étudiant. Pour l’ensemble des délégué-e-s présent-e-s, le constat est clair: l’union est impossible.[6] La grève de 1984 se fera sans eux.

L’isolement des organisations concertationnistes se poursuit en 1986 alors que l’ANEEQ organise une grève offensive victorieuse à la suite de l’annonce d’une éventuelle hausse des frais de scolarité. Battant de l’aile depuis la défaite du PQ la même année, leur faisant perdre du même coup leur position privilégiée auprès du gouvernement, cette grève leur est fatale. Le RAEU et la FAECQ s’éteignent deux ans plus tard. La division n’est plus, l’ANEEQ devenant du même coup la seule organisation nationale.

Cependant, entre 1988 et 1990, deux grèves successives sont des échecs. La première défaite pour l’amélioration du régime des prêts et bourses fait perdre des plumes à l’ANEEQ et redivise le mouvement étudiant. Quand deux ans plus tard Claude Ryan annonce le dégel des frais de scolarité, l’ANEEQ essuie un deuxième revers (hausse de 350% des frais) et la division du mouvement permet aux jeunes péquistes de réorganiser la tendance concertationniste en fondant la FECQ et la FEUQ. À partir de ce moment, l’ANEEQ s’étiole pour disparaître complètement en 1993, laissant le champ libre aux fédérations nouvellement fondées.


1990-2000 : La gauche contre-attaque

En 1994, un regroupement nommé la Coalition X est formé en opposition au projet de réforme Axworthy (règlements sur les transferts fédéraux aux provinces pour l’éducation postsecondaire et la mise en place d’un impôt postuniversitaire) auquel les fédérations refusent de se joindre. C’est la Coalition X en décidant de se donner des bases permanentes en 1995 qui formera le Mouvement pour le Droit à l’Éducation (MDE). Celui-ci prône un syndicalisme de combat et ses structures sont fortement inspirées par celles de l’ANEEQ. Lors de l’annonce de la hausse des frais de scolarité en 1996, c’est le MDE qui est l’instigateur de la grève générale victorieuse, prouvant que les moyens des fédérations qui ont négocié avec le patronat aux sommets socio-économiques du Québec ne permettent pas de remporter des luttes. Néanmoins, ce sont ces dernières qui seront interpellées par le PQ, lui-même contraint par le mouvement, pour mener à bien des négociations. Les termes de l’entente qui s’en suit concèdent le gel des frais en échange d’une taxe à l’échec et d’une hausse démesurée des frais pour les étudiants internationaux et les étudiantes internationales. C’est la récupération, puis la trahison. Le voile sur les fédérations est tombé.

Dès lors, les exécutifs du MDE gardent en mémoire les uns après les autres l’amère récupération et célèbrent la rupture avec les fédérations comme préalable à un mouvement étudiant efficace. Une certaine radicalité s’en dégage: on parle ouvertement de détruire les fédérations et on dit même qu’il s’agit là d’une condition essentielle pour que le mouvement étudiant puisse refonder la glorieuse ANEEQ et rétablir à terme un rapport de force permanent face au gouvernement.[7] Parallèlement, la présence des groupes partisans dans les campus est dénoncée car elle représente une forme d’intrusion dans les temples sacrés de la pensée critique. Les kiosques des partis politiques se voient violemment chassés des institutions où la base militante du MDE domine le terrain. Il n’est par ailleurs pas rare que les associations étudiantes soient contrôlées et instrumentalisées par des péquistes ou des libéraux sans vergogne. Les luttes locales, entre factions dites radicales (inspirées par les traditions communistes ou anarchistes du mouvement étudiant) et les équipes issues de la politique partisane polarisent l’échiquier en deux camps distincts et irréconciliables. Bref, la domination des fédérations, liée à la mort de l’ANEEQ, n’est pas une simple question immédiate posée aux militant-e-s des années 90: c’est un rapport à l’histoire difficile du mouvement étudiant en plein changement d’époque et un enjeu ancré dans la vie quotidienne des militant-e-s de gauche qui devaient lutter au local pour la moindre avancée contre les forces réactionnaires des fédérations. 

Il importe de souligner qu’à l’époque, la jeunesse de gauche, des suites de la dépression post-référendum et du ressac de droite du PQ de Lucien Bouchard et de son déficit zéro, s’est radicalisée jusqu’à atteindre un point limite. Celle-ci provient de la contre-culture des années 1990, notamment du milieu punk, et transporte avec elle le fardeau de son image juvénile, mais aussi la force de sa révolte authentique. Alors que la quantité de jeunes militant-e-s explose, presque tous radicaux dans l’âme, la tendance des syndicats et des organisations communautaires est à la professionnalisation, la bureaucratisation et la collaboration.

En proie à la désorganisation, le MDE s’est éteint en 1999 à la suite d’une grève offensive sans avenir. La confrontation avec les fédérations demeure toutefois très vive l’année suivante, à l’occasion du Sommet du Québec et de la jeunesse, alors que les étudiant-e-s se font tabasser et gazer par la police pendant que les représentant-e-s des fédérations participent à la concertation avec le pouvoir. C’est pour la gauche étudiante une période de réflexion pour éviter de répéter les mêmes erreurs qui ont mené à l’effondrement du MDE.


2001-2005: Les mutations du milieu étudiant

Bien que la périodisation soit un exercice complexe et questionnable, le point de pivot de ce radicalisme vers autre chose se situe en 2001, avec le Sommet des Amériques. L’immense bassin de militant-e-s en mouvement contre la mondialisation (créée et entretenue par les médias, influencée par les premiers geeks de gauche) a révélé les limites à la fois de cette lutte et de ses supporters. Le radicalisme se confronte alors au libéralisme. D’un côté, les groupes radicaux veulent recruter en vue du Sommet et se montrent ouverts à la population, mais cela a un prix, à savoir des débats sans fin entre toutes les franges dites anticapitalistes. Les nombreuses organisations naissantes se remplissent de jeunes encore sans expérience réelle et doivent toujours reprendre les débats du début, à chaque délibérante, de telle sorte que l’improductivité et les contradictions s’empilent. L’extrême complexité de la logistique finit par tuer tous les débats politiques qui, de toute façon, ne peuvent se résoudre en incluant ainsi n’importe qui de n’importe quelle façon. Pour remédier à cette situation insoluble, un  processus à l’oeuvre en catimini se déploit sans que personne ou presque n’en fasse l’analyse: la création de nouveaux groupes hétéronomes contrôlés par une clique de militant-e-s superstars, comme la Convergence des luttes anti-capitalistes (CLAC).

Deux tendances opposées se mélangent: l’apologie libérale, la tolérance absolue et le relativisme versus la radicalité par le refus systématique et l’entretien d’une certaine image de la jeunesse en révolte. Cette cohabitation a engendré la justification théorique de la diversité des tactiques. L’idée était de mettre fin aux débats sur la meilleure stratégie à adopter lors du Sommet en les scindant sur la base du niveau de violence des actions. Mais cet enjeu est lui-même imposé par les forces de l’ordre en pleine campagne de peur, dénonçant les groupes anarchistes violents et casseurs au point de créer une sorte de paranoïa, même à l’interne des groupes contestataires. La diversité des tactiques s’est révélée n’être rien d’autre que la fin de la discussion sur une possible stratégie politique unitaire, la fin des débats entre les tendances et les groupes, voire la glorification des groupes d’affinité en tant que structure de changement social. Opération Québec Printemps 2001 fut une victoire objective de la diversité des tactiques sur la non-violence absolue de certains autres groupes pacifistes.

L’ASSÉ est née dans ce contexte. Rappelons que sa naissance repose sur une critique du MDE, de sa réputation radicale et de son image de casseurs et casseuses. Il fallait donner l’impression que la nouvelle gang ne serait pas encore ces maudit-e-s communistes arrogant-e-s. En d’autres termes, la naissance de l’ASSÉ est un masque sur son passé radical.

Mais les théoricien-ne-s de l’ASSÉ restent les mêmes qu’auparavant. La première action de l’ASSÉ est donc une participation à la lutte à la ZLÉA dans le bassin des anticapitalistes. Pendant ce temps, la FEUQ rejoint fièrement les syndicats dans leur marche plate avec ceux et celles qui se plaignent seulement que le volet de la culture soit intégré à la ZLÉA, ne faisant pas grand cas des autres formes d’exploitation dont sortirait gagnant le Québec et son économie diversifiée d’exportation.

Dans la foulée des luttes internationales en multiplication, des membres de l’ASSÉ  voulant que celle-ci soit une organisation radicale apportèrent une proposition de principe contre le capitalisme en congrès. Le débat a suscité les passions et bien des oldtimers sortirent de leur torpeur habituelle pour venir expliquer en quoi l’ASSÉ est et restera à jamais une organisation réformiste dans sa forme, mais aussi dans son contenu. Une position anticapitaliste équivalait à enlever le masque.[8] Ainsi donc la transition vers un syndicalisme acceptable commença sans que personne ne réagisse outre mesure et l’homogénéisation avec les fédérations trouvait une base insoupçonnée au sein même des plus radicaux et radicales, lesquel-le-s faisaient désormais des calculs stratégiques et du damage control. Le libéralisme prenait le pied sur le radicalisme, la transmission du sens de l’histoire du MDE et de la naissance de l’ASSÉ aux nouveaux militants et nouvelles militantes étant rompu.


2005 à aujourd’hui : L’éclosion de la tendance libérale au sein de l’ASSÉ

À l’ASSÉ, les premières traces d’une possible collaboration avec les fédérations surgissent en 2005, pendant la fameuse grève. Il s’agit là de traces et non pas de propositions de collaboration formelle. Auparavant, la tradition de l’ASSÉ, issue elle-même en grande partie du MDE[9], faisait obstacle à toute forme de collaboration. Il n’est pas faux d’affirmer que toute proposition d’unifier le mouvement étudiant était vue comme idéaliste ou social-traître.

À partir de la session d’automne 2004, les discussions sur la stratégie commencent. Bien entendu, l’ASSÉ veut ouvrir ses portes à d’autres associations étudiantes, mais les conditions restent indéfinies. On veut faire preuve de leadership et profiter du contexte de grève pour faire un bond en avant. L’enjeu est, sans aucun doute, le contrôle sur le mouvement de grève et l’évitement de la récupération. La réunion de l’Assemblée étudiante du Québec (AEQ) a démontré, en apparence, l’absence de stratégie des fédérations et, en pratique pour les plus perspicaces, comment se déployait la ruse du silence sur la stratégie, préalable à la récupération. L’événement a aussi révélé la mollesse des indépendants, lesquels se sont tous ralliés ou presque au refus de la grève générale illimitée comme moyen d’action sans apporter de proposition en retour, le tout en agissant en coulisses sous l’influence des fédérations et des partisans du PQ.

Les discussions s’amorcent en particulier avec les militant-e-s de l’AGECVM qui représentent l’association la plus combative sur le marché des joueurs autonomes. Cette volonté de faire des liens repose essentiellement sur une perspective politique d’union des forces de gauche, nécessaire à l’accroissement de l’influence politique de l’ASSÉ dans le mouvement ainsi que vers l’extérieur. L’absence d’autres bassins militants comme le Vieux-Montréal et la stratégie sur la table qui ne convient pas à ces derniers et dernières contribuent à l’échec de ces tentatives. D’autres associations montréalaises commencent à parler d’une coalition indépendante de l’ASSÉ, d’où l’idée de la coalition ASSÉ++, à laquelle l’AGECVM se joint. L’ASSÉ peut donc déclencher la grève tout en rassemblant les forces de gauche dans une coalition portant son nom. 

Les choses se déroulent très vite à partir de là, alors que les assemblées générales se multiplient. La naissance d’une nouvelle gauche est alors en germe, plus intellectuelle et spécialisée. Elle s’enracine dans la bascule du radicalisme vers le libéralisme d’une jeunesse désillusionnée après le Sommet, mais aussi d’une vieillesse qui rêve d’un Parti des travailleurs. Alors que la grève est sur le point de démarrer, enivrée par la forme de la coalition, une équipe se propose pour prendre en charge un aspect de la lutte: les médias. La gauche réformiste prend conscience de la puissance des médias et veut la réorienter vers d’autres fins, comme en témoigne cet extrait d'entrevue avec Éric Martin, étudiant:
«Donc, l’idée c’était d’arriver là-bas à la CASSÉÉ pis d’amener une préoccupation pour [les communications], une meilleure compréhension de comment ça fonctionne, une compétence technique pis une capacité à l’intégrer à la stratégie d’action comme un élément aussi important que n’importe quelle pratique concrète […]. Pour moi, c’est sûr que ça passait beaucoup, beaucoup par les mass media, parce que c’est eux qui mettent en forme la perception publique; dire ben on est capables, avec notre bon vouloir, pis nos connaissances techniques […] de travailler à agir au niveau des médias, on pourrait même dire manipuler les médias au service de cet idéal-là pis au service du mouvement militant qui le défend.»[10] 

Cette nouvelle gang dans le milieu étudiant qui tend à se rapprocher de l’électoralisme de gauche observe silencieusement les choses d’un œil attentif. Elle a une vision de la lutte. Quelques un-e-s considèrent l’histoire de l’ASSÉ comme un tout cohérent et s’identifient à l’aile modérée, arborant le masque nécessaire à toute entreprise médiatique solide. Cette vision des médias et de l’ASSÉ fait la guerre à une tendance radicale historique de l’ASSÉ et du MDE à laquelle s’identifie l’exécutif en place.


L’élément déclencheur d’une guerre de ligne

Le point culminant de la tension entre les deux tendances opposées est le deuxième congrès de l’ASSÉ, à peine une semaine et demie après le début de la grève. Alors que cette dernière venait de démarrer, les militant-e-s de l’AGECVM avaient préparé une occupation des bureaux du ministre de l’Éducation, occupation prévue le matin même de la journée où la CASSÉÉ doit rencontrer le ministre «pour amorcer le dialogue», la date de l’occupation étant déterminée avant que la CASSÉÉ ne soit invitée par le ministre. 

Puisque cette action est perpétrée par une dizaine d’individus seulement, la répression est sévère. La violence de l’État, l’arrestation et la judiciarisation de ces jeunes se transforme tout naturellement en violence des médias contre le mouvement de grève de la CASSÉÉ, ce qui divise ensuite tout le mouvement sur la base violence ou non-violence. L’action en question n’avait pourtant rien de violent et respectait en tout point ce que l’on pourrait qualifier de spectre d’actions acceptables d’un point de vue historique pour le mouvement étudiant et conforme au syndicalisme de combat. Le spectacle de la prétendue violence a servi les intérêts des capitalistes qui veulent vendre des journaux et a justifié du même coup le rejet de la CASSÉÉ à la table des négociations. Même un comité média de gauche des plus motivés n’y a rien pu; on ne renverse pas un système de domination calibré au quart de tour avec une conférence de presse. 

En fait, une organisation qui favorise la stratégie médiatique en tant que rapport de force en soi, mais aussi en tant que moyen de communication avec le public, par exemple des organisations comme les fédérations ou les partis politiques, doit respecter la trame narrative des médias. Pour garantir l’existence d’un dialogue entre ces personnalités collectives, une série de règles existent et les deux parties doivent les respecter si elles veulent jouir de crédibilité médiatique. C’est comme un monde à part, ayant son espace et son temps propre, parallèle à d’autres réalités, mais très influent sur l’ensemble de celles-ci. Construite par les spécialistes des médias, la trame narrative spectaculaire a une logique par étapes: primo, il faut démontrer sa bonne foi (et donc respecter que les médias soient au centre des conflits sociaux); deuxio,  il faut vouloir négocier; tertio, il faut suivre la logique de la représentation et faire en sorte de contrôler le mouvement d’en haut. Cela dit, il est primordial de se présenter devant l’ennemi et jouer la game sereinement afin de pouvoir ensuite arguer, en conférence de presse, que c’est l’autre qui est de mauvaise foi. Il refuse de négocier après tout.[11] Cette logique libérale place la question des médias et de la négociation au centre du processus de la lutte et donne l’impression que les forces s’affrontant doivent passer par là pour établir une éthique bilatérale et obtenir satisfaction. C’est la stratégie que défendent les organisations concertationnistes depuis plus de trente ans et la base des critiques formulées à l’origine contre l’ANEEQ par le RAEU. C’est la naissance d’un front contre le syndicalisme de combat au sein même de la CASSÉE, insidieusement.

À l’intérieur de cette dernière, sur le terrain des manifestations, des forces nouvelles agissent dans cette perspective de stratégie médiatique et les tensions internes entre radicaux et libéraux s’accentuent dès la première manifestation nationale. Le Rassemblement des artistes très sensibilisés (RATS) distribue un tract dans lequel ils et elles déclarent qu’ils et elles n’accepteront pas d’actes de violence dans les manifestations. Du fait que les RATS sont issu-e-s de la tendance libérale en faveur de la diversité des tactiques, ils et elles démontrent ainsi leurs contradictions intrinsèques, celle d’une position tactique rassemblant toutes les positions. Pour eux il s’agit d’«exploiter la société de l’image» et de «questionner tout en divertissant», car la lutte devrait être festive. Cette tendance dans le mouvement étudiant participe à la stigmatisation des militant-e-s qui favorisent les actions de perturbation, cultivant à outrance les divisions sur la base de la non-violence, sans définir le terme lui-même.

Revenons maintenant à ce deuxième congrès de la CASSÉÉ où, pour la première fois de toute l’histoire de l’ASSÉ, il a été question d’une trêve médiatique avec les fédérations. Celle-ci ferait preuve de bonne volonté à leur égard, dans l’optique de ne pas être exclue de la table des négociations. Dans l’éventualité où les fédérations refuseraient de rendre la pareille, il faudrait les  dénoncer, selon la logique de trame narrative des médias ci-haut présentée. Tout repose sur un subterfuge visant à exploiter la société de l’image, le mensonge nécessitant d’autres mensonges plus sournois, ainsi va la ruse des partisan-ne-s de la lutte médiatique. Cette proposition émane de l’équipe média et dégénère illico en chicane énorme avec l’exécutif. Une lutte de couloirs s’engage pour convaincre les associations que par cette proposition c’est toute la tradition politique de l’ASSÉ qui s’en trouve menacée à jamais.

Au congrès annuel de mai 2005, l’exécutif de l’ASSÉ, frais sorti de la grève récupérée par les fédérations et qui s’est soldée par une entente à rabais, fait rapport et défend la position historique du syndicalisme de combat en ces termes:
«La stratégie médiatique, qui s’articulait le plus souvent à la stratégie lobbyiste, fut aussi beaucoup discutée. Nous avons eu droit à une couverture massive. Contrairement aux grèves précédentes, en plus des médias traditionnels, des réseaux d’information continue (RDI, LCN) couvraient activement la grève. Nous avons pu en profiter souvent. Est-ce à dire que notre seule force était celle du symbolique, de l’image de ce que nous étions concrètement? Bien sûr c’était là un aspect important de la lutte. Mais il ne fallait pas sacrifier l’action à l’image médiatique. Nous avons fait le choix de tenir tête au ministre et de ne pas se plier au cadre médiatique (notion floue par ailleurs; élastique, même). Ce n’était pas une erreur. Est-ce que cela signifie que nous n’avions pas de stratégie? Non! La stratégie était la pression constante. À celle-là, on opposait une stratégie « fantôme » qu’on évoquait constamment sans qu’on puisse la voir. Une fois elle fit une apparition : on proposa de demander aux fédérations de nous inclure autour de la table de négociation en échange d’une trêve médiatique. Pourtant, les fédérations avaient déjà annoncé leur couleur : l’exclusion de la CASSÉÉ appartenait au ministre. Peut-être auraient-elles pu faire une demande formelle. Cela n’aurait fort probablement rien donné et nous aurions alors dû arrêter nos critiques à leur égard dans les médias. Nous n’aurions pu dénoncer la récupération antidémocratique flagrante du mouvement de grève devant mener à une entente à rabais. Une stratégie médiatique définissant l’ensemble de nos actions n’était pas la solution. Une année de stratégie médiatique de la FECQ et de la FEUQ, championnes en la matière, n’avait pu retirer le moindre engagement du gouvernement. Il fallait la grève puis une démonstration de notre détermination et de notre combativité dans la rue et dans les assemblées générales. Ensuite seulement était possible un réel travail médiatique qui était au reste très important et devait effectivement être pris très au sérieux.»[12]

C’est seulement au congrès d’orientation de l’ASSÉ, en novembre 2005, qu’il est possible enfin de porter un jugement plus aiguisé sur les enjeux de la grève et les tensions en résultant, en particulier grâce au texte Quatre constats et neuf propositions pour l’ASSÉ de la frange pro-Québec Solidaire, à l’époque en construction, dont deux des signataires avaient formé le comité média. Le dernier point du texte précise clairement dans quelle perspective ces derniers travaillent :
«L’ASSÉ doit supporter la création d’alternatives aux partis politiques néolibéraux à tous les paliers gouvernementaux. Les partis politiques traditionnels, comme le PQ, le PLQ et l’ADQ, sont des partisans du néolibéralisme. Leur laisser le champ libre dans le domaine électoral accélère le déploiement d’une logique mortifère de développement de la société mondiale et la destruction de l’Éducation critique. Si l’ASSÉ aspire véritablement à une transformation globale de la société, elle doit offrir son soutien à l’ensemble des mouvements qui font obstacle au rouleau compresseur néolibéral. Remettre en question les paradigmes dominants implique d’investir le champ politique. L’ASSÉ ne saurait parler d’une alliance des mouvements sociaux sans inclure les partis politiques populaires. Sans quoi elle se cantonne sur le mode défensif et réactif face aux avancées incessantes du néolibéralisme.»[13] 

On voit s’y dégager l’influence naissante de Québec Solidaire au sein de l’ASSÉ, la présence de  la lutte électorale comme étant le préalable à toute offensive véritable, les germes de la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics[14], celle-ci en lien avec la stratégie médiatique de QS, et la mutation du mouvement social vers des formes libérales qui liquident l’histoire de la radicalité en se conformant à une logique de représentativité. C’est une tendance qui a peu à peu récupérée l’organisation et qui a préparé le terrain pour une alliance à tout prix avec les fédérations, menée par le haut.


LA COLLABORATION BAT LA MARCHE

La dernière année a été riche en collaborations atypiques pour l’ASSÉ. Selon l’exécutif 2010-2011, elles auraient permis d’améliorer la visibilité et la crédibilité médiatique de l’organisation. Un bref survol permet de retracer le cheminement d’alliance stratégique entre les fédérations étudiantes et l’ASSÉ. La table est mise à petit pas, par essais et erreurs.


Manifestation à la Rencontre des partenaires universitaires: Un acte manqué

Dans le cadre de la Rencontre des partenaires en éducation le 6 décembre 2010, les exécutifs des fédérations étudiantes et de l’ASSÉ se sont rencontrés afin d’établir une entente qui jalonnerait la cohabitation entre les manifestations des différentes organisations sur le terrain. Rappelons que cette rencontre visait à consulter les divers partenaires du monde de l’éducation sur les modalités de la hausse des frais de scolarité afin de légitimer une décision déjà prise par une minorité. Dans l’entente proposée par l’ASSÉ, on comptait diverses balises sur l’image de la manifestation (discours, bannières, communiqués et points de presse) et une consigne de non-dénonciation de la participation des autres organisations étudiantes et de leur revendication de loi-cadre. En échange, les autres organisations ne dénonçaient pas la perturbation organisée par l’ASSÉ. À qui et à quoi servait cette entente? D’emblée, semblerait-il qu’elle ne servait pas suffisamment les fédérations qui n’ont pas accepté de la signer. L’ASSÉ reste toutefois empreinte de cet esprit de non-dénonciation en ne souligne pas la participation complice des fédérations étudiantes à cette rencontre.

Par le respect inopportun de ce pacte de neutralité avorté, l’ASSÉ a manqué une occasion rêvée d’obtenir un gain symbolique propre au mode de lutte qu’elle prône, en démontrant qu’il n’y avait pas de temps à perdre avec la soi-disant bonne foi du concertationnisme. En s’empêchant de commenter sur l’issue prévisible de la rencontre, l'ASSÉ a contribué à sa propre récupération et n’a pu se démarquer des fédérations étudiantes et des autres syndicats, qui ont finalement claqué la porte de la rencontre les uns après les autres. Une intervention allianciste de la part de Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de l’ASSÉ, dans le cadre d’une sortie avec les autres membres de l’Alliance sociale, témoigne concrètement du flop politique que représente cette union pour le mouvement : 
«il n’y a pas de consensus sur les frais de scolarité, il n’y a pas de consensus sur la privatisation de nos universités, s’il existe un consensus au Québec, ce n’est pas celui de la ministre, mais bien celui de la Table des partenaires universitaires. Aujourd’hui, il y a certaines de nos associations qui ont décidé de participer à la rencontre, certaines ont décidé de boycotter. Quoi qu’il en soit, on est unanimes pour dénoncer cette rencontre là [...].»[15]


Manifestation Coalition/Alliance sociale: L'inutilité des balises

Cette stratégie d’élaboration de balises n’est pas sans rappeler la participation de l’ASSÉ à la manifestation conjointe de l’Alliance sociale le 12 mars 2011 à laquelle figuraient les fédérations étudiantes et la Coalition opposée à la tarification et la privatisation des services publics. Là encore, des balises ont été négociées, mais cette fois-ci elles avaient été entérinées par l’ensemble du regroupement. Elles traitaient surtout de la durée minimum de la manifestation, de liberté d’expression sur les pancartes, de l’ordre des contingents, de la représentation égalitaire dans les sorties médiatiques et publiques, des revendications non-corporatistes, etc. Une partie de l’entente exigeait cependant «que les individus ne soient pas contraints dans la nature des actions pouvant être posées durant la manifestation»[16]. Une réussite peu reluisante quand on a été témoin de la brutalité du service d’ordre des trois grandes centrales syndicales dont le plus agressif était celui de la FTQ. Pourtant, il avait été formellement conclu entre les différentes organisations que le service d'ordre ne devait pas intervenir physiquement ou verbalement à l’égard des manifestant-e-s afin de les «protéger [...] et non pas de les contrôler ou de les réprimer»[17]. Les seules conséquence de ce non-respect furent une lettre fâchée de l’exécutif de l’ASSÉ envoyée au président de la FTQ et le retrait symbolique de l’ASSÉ de l'organisation du 1er mai syndical. Qui parmi les étudiant-e-s se sentirait concerné par le bris d’une entente superficielle prise à l’initiative de l’exécutif, même si entérinée par la suite en congrès par des délégué-e-s sans mandats d’assemblées générales?

Comme dans le cas de la Rencontre des partenaires en éducation, les balises sont insuffisantes et ne traitent que de la forme: esthétique et médias. Le fond, l’analyse et la stratégie ne sont pas questionnés, comme si le fait de taire les dissensions entre les organisations suffisait à les faire disparaître. Aucune sanction réelle n’est prévue en cas de non-respect de l’entente. Dans le cas présent, l’ASSÉ n’avait pas un rapport de force suffisant au sein de l’Alliance pour exiger le respect de telles balises, sa présence semblait valoir très peu, même  sur le plan humain d’ailleurs. Par conséquent, non seulement les dérapages ne sont pas évités, mais ils ne peuvent qu’être constatés et dénoncés, une fois les faits accomplis, dans une absurde logique de gestion de crise. Et elle est lourde de conséquences. Dans le cas du 6 décembre, c’est la radicalité du mouvement de contestation des hausses qui est sabotée par l'altération de la réalité de conflit entre fédérations et l’ASSÉ, tandis que le 12 mars c’est l’intégrité même des manifestant-e-s qui a été mise en danger. Les balises nous musellent, cachent la vérité et la force du discours ainsi que des modes de lutte développés par l’ASSÉ.

Étrangement, et malgré son inefficacité, le mode balises n'est ni remis en question, ni réévalué, ni abandonné en cours de route. L’exécutif 2010-2011 semble se contenter de peu lorsqui’il affirme que «la manifestation conjointe de l'Alliance sociale et de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics permit à l'ASSÉ de se faire entendre sur la place publique, l'ASSÉ ayant été la seule organisation à commenter immédiatement les arrestations arbitraires ayant eu lieu durant la manifestation»[18]. Le jeu de l’alliance en vaut-il vraiment le coût?


Proposition de manifestation commune ASSÉ/FECQ: Surprise, surprise!

Le passé est très rapidement balayé lorsqu’on voit poindre à l’horizon les issues d’une négociation corsée avec le gouvernement. Les pratiques anti-démocratiques des fédérations, les affiliations douteuses, les diverses formes de récupération politique et la fameuse entente à rabais de 2005, tout ça «semble maintenant chose du passé. L’ASSÉ songe à s’ouvrir aux autres fédérations étudiantes et proposera à ses membres d’inclure la FECQ et la FEUQ dans sa manifestation de décembre»[19]. La proposition de l’exécutif de l’ASSÉ, soutenue par le texte «Vers une manifestation conjointe?»[20] est une démarche qui avance encore une fois des balises ponctuelles pour une action ponctuelle qui ne concernent que des considérations médiatiques. Sans une stratégie béton pour contrer la récupération par les fédérations, une telle proposition est inutile. Les balises ne servent essentiellement à rien, sauf à restreindre la possibilité de critiquer les tactiques des fédérations. Cette formule des ententes à la pièce déconnecte les moyens des fins et facilite davantage la récupération. Ce texte a également le défaut de ne faire aucunement référence à l'histoire des fédérations. On ne peut pourtant envisager une collaboration sans amener une dimension historique au débat. Si l'exécutif actuel de la FECQ est à ce point de bonne foi et plus progressiste qu’avant, est-il prêt à affirmer publiquement que leur organisation a nui objectivement au mouvement dans les moments de luttes les plus importants? La FECQ actuelle est-elle prête à agir en confrontation radicale avec sa propre histoire et le dire haut et fort? D’ailleurs qu'arrivera-t-il quand la FEUQ voudra participer à cette manifestation? On le sait. Elle dictera ses conditions, la FECQ cèdera et nos chères balises seront d’une inutilité évidente.

Il est aussi dit que l'exécutif de la FECQ est de bonne foi sur la base qu'il n'a fait «aucune dénonciation de nos actions». On se félicite que la FECQ n’ait pas nui à l’image de nos actions  en contribuant à maintenir une facade de bonne entente. Ce n’est pas sur ces bases que l’on devrait juger de leur bonne foi, mais plutôt sur leur organisation elle-même: ses membres actuels, son histoire, le rapport des membres actuels face à leur histoire, leur vision stratégique par rapport à la nôtre, le pourquoi de leur volonté de travailler avec nous, etc. C'est d’ailleurs une énorme erreur que d'affirmer qu'il n'y a rien à perdre à essayer de négocier de bonne foi avec les fédérations. Négocier avec elles, ce serait leur accorder publiquement une importance et une crédibilité qu'elles peuvent retourner contre l'ASSÉ lorsque ça leur sera profitable et ce, sans nécessairement briser officiellement l'entente. Le jeu de la collaboration, comme tout jeu, fait des gagnants et des perdants; les solutions «gagnant-gagnant» ne le sont toujours qu'à court terme. Des alliances, ça se construit sur une confiance minimale et cette confiance ne peut être là présentement.


Article people dans Rue Frontenac : Game over
        
La parution d’un article mettant en vedette les présidents de la FEUQ et de la FECQ ainsi que le porte-parole de l’ASSÉ dans le journal Rue Frontenac[21] apparaît comme la suite logique de la trêve médiatique avec les fédérations de 2005. La logique avancée en congrès par le porte-parole pour justifier son action est simple, c’est mieux que l’ASSÉ soit là que pas là. Mais est-ce vraiment avantageux pour l’ASSÉ d'être là partout où sont les fédérations? Cette stratégie permet peut-être de neutraliser la possibilité que les fédérations prennent toute la place, mais sans la faculté de tenir un discours critique, il ne reste plus de l’article qu’une autopromotion sans intérêt des organisations. Par ailleurs, le constat du billet laisse rêveur: il y a des divergences entre les fédérations et l'ASSÉ, mais le profil de leurs leaders est similaire. Ils veulent tous la même chose, finalement, et pour y parvenir ils devront favoriser la collaboration entre les organisations qu’ils représentent. 

Le lectorat de Rue Frontenac n’en sait pas plus sur les fondements qui opposent l’ASSÉ aux fédérations, mais il possède en contrepartie une connaissance plus intime des portes-paroles mâles blancs et de leurs origines familiales citées au passage. Pourquoi l’ASSÉ accepte-t-elle à ce point de participer à cette triste mise en scène médiatique où la glorification personnelle de de nos leaders relègue au second plan les fondements réels et profonds de nos luttes? Le syndicalisme de combat ne repose-t-il pas sur la force du nombre et sur nos propres moyens avant tout? Ce n’est évidemment pas un porte-parole superstar qui nous procurera la victoire.

Si l’on doit parfois accepter de participer au jeu médiatique, on ne peut tolérer que cela se fasse en se conformant de manière non-critique aux standards de communication dominants.  La présence du porte-parole dans cet article laisse entrevoir la nouvelle obsession de l’ASSÉ: la communication. La croyance voulant qu’en s’investissant sérieusement dans le monde des médias l’organisation arrivera à les contrôler fait son chemin : «Notons également qu'un travail médiatique intensif lors de ces deux journées a permis à l'ASSÉ de contrôler significativement la couverture de son action et d'influencer de manière importante les commentaires des journalistes au sujet des actions plus corsées. Pour le Conseil exécutif, cela démontre qu'il vaut grandement la peine d'accorder de l'énergie au travail médiatique lors de telles actions [...] À l'aube de la lutte d'envergure qui nous attend l'an prochain, gardons en tête ces réussites!»[22]. La réussite ou l’échec d’actions menées par l’ASSÉ est jugée en fonction des liens qu’elle entretient avec les médias de masse. Par exemple, le peu de couverture de la sortie de l’ASSÉ à propos du budget s’explique «fort probablement par l'absence de l'ASSÉ du huis clos médiatique lors de l'annonce du budget. Deux membres de l'exécutif étaient par contre présents au huis clos des organisations sociopolitiques, mais à l'avenir il sera essentiel de se faire inviter au huis clos médiatique afin de pouvoir donner nos réactions aux journalistes»[23]. D’ailleurs, au congrès annuel 2010-2011 de l’ASSÉ, une association étudiante a déposé un avis de motion pour la création d’un comité «communication» qui travaillerait à la coordination du travail de communication et de relations médiatiques. Au même moment, le comité de mobilisation peine à survivre.

Pourtant, si l’on se rappelle la campagne de grève manquée de 2007, les médias n’arrêtaient pas de spinner que les étudiant-e-s se mobilisaient au point qu’on y croyait comme jamais. Le décalage entre le discours médiatique et l’état réel sur le terrain était large, mais la trame narrative médiatique était construite conjointement par l’ASSÉ. Le réveil fut brutal. Sortir un communiqué de presse après une résolution de congrès qui dit d’aller vers la grève excite certainement les médias qui peuvent facilement en faire la nouvelle de l’heure, mais ça ne donne pas nécessairement une vision juste de l’état réel du mouvement. Au contraire, au lieu d’entrer en grève massivement par un mouvement de la base résultant d’une prise de conscience collective, la population étudiante se fait plutôt annoncer par les médias qu’elle sera bientôt en grève et qu’elle devra faire un choix, un peu de la même manière qu’on nous annonce qu’il y aura bientôt des élections et que nous devrons aller remplir notre «devoir de citoyen». Cela crée un détachement subjectif d’une large part de la population étudiante face au mouvement de grève qui lui, apparaît désormais comme un concept intégré au spectacle médiatique diffusé de haut en bas plutôt que ce qu’il doit réellement être: un mouvement collectif démocratique qui s’organise du bas vers le haut.


La collaboration a un prix

Le mouvement étudiant n’est pas et a rarement été uni. Certes, l’unité du mouvement étudiant est souhaitable, mais une unité de pacotille sous un couvert de bonne entente peut bloquer tout le potentiel politique que le mouvement renferme réellement. Seules les fédérations ont à gagner de cette alliance. En 1996 et en 2005, c’est le MDE et l’ASSÉ qui ont déclenché le mouvement et les fédérations l’ont récupéré. Sans les associations combatives, les fédérations n’ont rien à récupérer. L’ASSÉ n’a pas besoin d’un pilote pour un mouvement qu’elle a démarré. Elle n’a pas conscience de sa force potentielle, mais les fédérations ont conscience de leur faiblesse, équation qui mène à une volonté d’alliance stratégique de part et d’autre.

D’ailleurs, un ancien dirigeant de la FEUQ reconnaissait dans un article du 19 avril 2011 que la FECQ peut être utilisée tel un cheval de Troie: 
«La recommandation de la FEUQ [pour la fin de la grève en 2005] était un calcul politique afin de ménager la FECQ. "C’est aussi ce qui explique pourquoi la FECQ était “neutre” alors que la FEUQ “recommandait” l’entente à ses membres, remet en contexte M. Bouchard Saint-Amant. Le calcul étant qu’une telle approche minimisait les pertes institutionnelles pour les deux organisations. Bref, la FEUQ a “pris la balle”, notamment pour garder la FECQ en santé."»[24]

L'histoire des fédérations étudiantes, de 1990 à 2011, en est une de mensonges déguisés en calculs politiques. La FECQ est le club école de la FEUQ, qui est le club école du PQ. Si dans les années 1980 elles formaient une seule organisation, depuis les années 1990, elles ont organisé les mêmes événements, signé les mêmes communiqués, été dirigées par les mêmes carriéristes et orchestré les mêmes coups bas. Encore l'année dernière, ce sont autant des feuquistes que des fecquistes qui sont venu-e-s par dizaines noyauter une assemblée générale afin d'y destituer l'exécutif de l'Association étudiante de la TÉLUQ et de l'affilier à la FEUQ, en employant toutes sortes de magouilles illégales finalement invalidées par une entente judiciaire.

On tente maintenant de nous faire avaler que la FECQ est formée d'un nouvel exécutif, que celui-ci est de bonne foi. Il est tout simplement incroyable qu'un tel argument, pourtant avancé à toutes les années par les fédérations étudiantes, puisse encore trouver preneur. C'est ce que disait il y a plusieurs années Julie Bouchard, ancienne présidente de la FECQ et secrétaire générale de la FAÉCUM, maintenant signataire du manifeste de Lucien Bouchard pour une hausse sauvage des frais de scolarité. De toute façon, le problème essentiel ne concerne pas les qualités des exécutant-e-s, mais la nature organisationnelle des fédérations. La volonté de Sonia Palato, de Gabrielle Brais-Harvey ou de Xavier Lefebvre-Boucher ne peut rien n’y changer. On ne peut pas retirer les individus d'un large processus historique: la FECQ est depuis toujours une organisation concertationniste. Ce n'est pas une question en lien avec la personnalité de l'exécutif, c'est une question de structures et de culture organisationnelle. L’exécutif de la FECQ est-il prêt à sortir publiquement pour se dissocier des actes commis par le passé qui ont nui au mouvement et à se montrer en rupture avec l’histoire de leur propre organisation? Ce n'est pas pour rien qu'il est difficile, pour un membre, d'avoir accès aux procès-verbaux et autres budgets des fédérations étudiantes. Comme la FTQ, où l'on retrouve d'ailleurs d'ancien-ne-s fecquistes, elles sont devenues de véritables machines bureaucratiques toujours perdantes lorsque vient le temps de défendre les intérêts des étudiant-e-s. Le pire, c'est que personne n'osera nier qu'avoir été exécutant-e des fédérations se place bien sur le C.V. d'un-e futur-e politicien-ne ou d'un-e futur-e syndicaliste jaune.

Faire une alliance dans la situation d’accalmie politique actuelle a toutes les chances de nous mettre dans le trouble lorsque l’intensification de la lutte s’imposera. Nous proposons au contraire une idée démocratique, indépendante et combative de la lutte, la seule vision qui, dans l'histoire du mouvement étudiant, a provoqué des gains concrets. 


COLLABORER C'EST VOTER: Synthèse de la critique

La démocratie n’est pas l’assemblage de toutes les opinions dans la joie, mais la lutte longue et ardue des tendances en son sein pour l’émancipation. L’unité est apparence dans un monde d’intérêts. La société capitaliste, qui est en perpétuelle transformation, divise tout en particules. Elle les sépare pièce par pièce jusqu’au mouvement étudiant. 

Certaines tendances réformistes, aujourd’hui supérieures en nombre et en influence, dominent le terrain politique et imposent la logique de la représentativité. Elles sont un pouvoir du haut vers le bas qui se prétend être l’inverse. Les fédérations sont au coeur de cette réalité. Elles sont une véritable école politique moderne des beaux discours. Bien que leurs militant-e-s plaident la bonne foi systématiquement, jamais l’analyse historique différenciée des tendances et de leurs théories respectives n’est prise au sérieux. On dénonce le subterfuge de vieux croûtons radicaux qui auraient tout intérêt à semer la discorde. Les trahisons antérieures ne seraient qu’une illusion ou une exagération et ces jeunes gens plein d’espoir, si beaux et passionnés, n’auraient pas d’autres objectifs que les nôtres.

Le mouvement étudiant a fort probablement les défauts de la jeunesse. Si la jeunesse a un défaut, c’est de croire que tout recommence sur des nouvelles bases dès les premiers balbutiements de sa conscience. Si la jeunesse a un défaut, c’est de croire que la bonne volonté peut triompher de tout. Si la jeunesse a un défaut, c’est qu’elle hérite d’un monde qui repose sur la violence sans le ressentir. On ne peut pas juger la jeunesse, de gauche comme de droite, sur la conception qu’elle se fait d’elle-même, mais sur une analyse approfondie de ses origines et de ses orientations à la mode. Son discours nous aide à comprendre les forces étrangères qui l’habitent et la manipulent. Une théorie des pathologies sociales exige cette attitude face à toutes tentatives de légitimation politique.

Les forces de la conciliation ne sont pas seulement exogène à l’ASSÉ. Les transformations de la société percutent la gauche à retardement. La gauche, comme les prolétaires et les étudiant-e-s, fait face aux réorganisations multiples du système et s’adapte à tâtons. Ce qui était un consensus radical contre la collaboration devient peu à peu une volonté d’union. Personne et tout le monde est responsable de ça. Le critique voit l’histoire se déployer sans y apposer de visages particuliers, car l’histoire n’est pas celle de grandes personnes, mais le choc des classes.

L’exécutif de l’ASSÉ travaille pour tisser des liens avec les fédérations. Ce qui unit les fédérations et l’exécutif de l’ASSÉ, c’est une culture de la contestation qui tend à s’uniformiser aux exigences du contexte social. La stratégie d’alliance à tout vent n’est pas nouvelle. Pendant les années 1990, les forces de gauche, syndicales et communautaires, ont vu leur influence sur la société fondre comme neige au soleil. Telles les grosses entreprises, les organisations de gauche ont réalisé - en retard - que leur survie dépendait de leur capacité à s’unir pour ainsi former de plus grosses machines. La stratégie est d’investir le terrain de la politique partisane.

La gauche institutionnelle est divisée entre deux tendances, chacune luttant pour son hégémonie sur le mouvement social. Il y a le PQ et, depuis peu, QS. Québec Solidaire est l’assemblage de plusieurs organisations politiques qui, prises séparément, n’avaient aucun avenir. Il est né de la fusion entre l’Union des forces progressistes (UFP) et Option citoyenne, tandis que l’UFP est elle-même le résultat de l’union du Rassemblement pour l'alternative progressiste (RAP), du Parti de la démocratie socialiste (PDS) et du Parti communiste du Québec (PCQ). Le programme de QS est un bricolage entre toutes ces tendances et à chaque alliance équivaut un nouveau nivellement. En fait, Françoise David a fait sa marque d’abord dans les milieux communautaires féministes avant de donner vie à Option citoyenne, tandis qu’Amir Khadir est un ancien candidat du Bloc. Ce processus d’union s’est fait au prix d’un adoucissement continuel des politiques de gauche, et cela dans une perspective populiste et nationaliste.

Le PQ, comme QS, mise sur les prochaines élections pour changer les choses. En ce moment même, les stratèges de ces deux organisations essaient de se manger l’un l’autre. Le froment de leur union symbolique est le nationalisme, précisément là où la lutte de classes s'estompe au profit des intérêts nationaux. Les plus jeunes sont plus souvent qu’autrement inconscients des dynamiques de pouvoir et c’est pourquoi ils et elles constituent pour ces deux partis un électorat potentiel. QS vise à rallier la gauche radicale, mais aussi la gauche sociale-démocrate déçue du PQ, tandis que le PQ travaille plus au centre de l’échiquier politique. La guerre de ligne en vue de la prochaine grande grève générale étudiante est un levier de recrutement, car les grèves renouvellent les bassins de militant-e-s de gauche. La même logique de recrutement s’applique, selon les fluctuations du marché des associations étudiantes, entre l’ASSÉ et les fédérations. Les techniques de séduction, elles, se ressemblent de plus en plus. Le discours médiatique structure la stratégie et les rapport entre organisations nationales restent figés à ce niveau-là car elles n’ont pas de bases en lutte, pas encore.

L’analyse du discours de QS qui se présente comme un parti populaire, le parti des urnes et de la rue, voire le parti des travailleurs et travailleuses lui-même est révélatrice. QS n’est à peu près jamais dans la rue, QS n’obtient qu’une petite proportion des votes et QS n’est pas socialiste. Tous ces slogans hallucinés agissent essentiellement comme des messages publicitaires dans l’espace médiatique. C’est de la persuasion, qui a le mérite de nous indiquer qui est le public cible de QS[25], à savoir les mouvements sociaux. Un parti politique comme QS ne peut remporter la bataille des élections sans conquérir toute la gauche réformiste et l’opposer aux objectifs révolutionnaires, ou radicaux, partout. Comme QS nie qu’il s’occupe de luttes sociales mais recueille ses protagonistes dans divers regroupement de mouvements sociaux comme la Coalition et la Marche Mondiale des femmes, puisqu’il entretient le doute sur ses membres et leur stratégie, le risque patent est que l’ASSÉ devienne de plus en plus pilotée en coulisse par QS en servant ses intérêts électoraux.

Ainsi donc, l’idée de collaborer avec les fédérations a présentement pour origine un cercle de jeunes militant-e-s intégré-e-s à cette nouvelle tendance, leur stratégie se présentant d’abord sous l’appellation de trêve médiatique. Mais la situation actuelle est encore pire, car la jeunesse en voie de remplacer ces spécialistes a beaucoup moins de connaissances historiques, elle qui se fait en plus des illusions sur la collaboration au point de jouer la game dans les médias, côte-à-côte avec les chefs des fédérations.


Fonctions et limites de la critique radicale

La défi de la présente critique est triple: d’abord, démontrer l’importance d’une distance réelle face aux forces de la récupération et développer une stratégie claire quant à nos relations avec elles pendant la grève. Ensuite, prendre au sérieux l’influence des forces de la gauche libérale au sein de l’ASSÉ et assurer l’autonomie du syndicat en démystifiant les liens et coutumes problématiques. Mais aussi - objectif encore plus vaste et complexe - rester critique face aux origines radicales de la critique elle-même. La gauche radicale des années 1990 croule sous les contradictions, dans ses bureaux communautaires ou syndicaux, et un retour aux formes de lutte de ces années folles est loin d’être une avenue satisfaisante. Les enfants de cette tendance en disparition aujourd’hui, qui multiplient les actions radicales mais délaissent la théorie, contribuent au succès des leaders étudiants. La division des tâches, entre libéraux et radicaux, doit être abolie. En ce moment, les radicaux sont instrumentalisés par la gauche institutionnelle, eux qui sont en voie de devenir accessoires une fois le mouvement démarré, comme quoi la récupération n’a pas de frontière. Faites vos occupations, ils feront leurs conférences de presse. Au coeur de la répression vous participerez à la manifestation d’appui tandis qu’ils seront dans l’occupation en train de négocier. Voyez comme la critique ne connaît pas de limites non plus, même de sa radicalité apparente.

La pensée critique ne croit pas à la réconciliation, mais la souhaite : il n’y a pas de meilleure manière de travailler à la réconciliation que la critique radicale. La prétendue similitude des intérêts entre ASSÉ et fédérations est un mensonge. La distance critique qu’il faut maintenir contre les influences partisanes est l’assurance que les diverses forces en présence cultivent leurs différences dans une perspective de dépassement des tensions et de dialogue égalitaire. Parce que le changement ne peut être le fruit d’un dépassement sans effort de compréhension du passé. L’union rapide, sans mobilisation ni rapport de force, sans mandat ni critique, sans stratégie ni fondement solide, est dangereuse. Le risque est l’échec du mouvement de grève. Une telle union ne manquerait pas d’exacerber les oppositions et de mener à des manoeuvres souterraines pour cacher l’inavouable. Une clique peut prendre les commandes d’une grosse organisation et prétendre harmoniser les contradictions d’en haut. L’explosion à l’interne ne sera que plus intense quand les contradictions enfouies rejailliront en pleine guerre contre le gouvernement. Chaque lutte qui se pointe le bout du nez ramène avec elle le rêve de la fin des séparations. 

L’ASSÉ a des points de convergence avec la gang de QS et du PQ. Par exemple, elle veut des équipes les plus performantes possibles dans tous les aspects de la lutte, dont médiatique. Mais nous voulons subordonner ces équipes à une politique transcendante qui peut faire la synthèse des tendances radicales et libérales en construisant un rapport de force de la base en mouvement, via l’information et l’action. Une base qui, si elle veut éviter la récupération, doit prendre la pleine conscience qu’aucune représentation, qu’aucun porte-parole, fussent-ils d’une gauche consciencieuse, ne peuvent déterminer la marche à suivre, et surtout pas dans une trame narrative écrite par les médias bourgeois. Cette vision de la lutte ne se fait pas d’illusion sur les possibles rencontres avec le ou la ministre et sait qu’en définitive, l’atteinte de ses objectifs les plus beaux dépend de sa capacité à prendre racine dans les espaces démocratiques que constituent les assemblées générales et non la télévision. Le temps médiatique est l’ennemi d’un temps nouveau et notre participation au mensonge est la garantie de notre intégration, de notre récupération. Le dépassement sur la gauche des exécutifs contrôlant est une condition. On ne combat pas l’aliénation avec des moyens aliénés sans périr de ses armes. Les médias ne font pas d’éducation, mais du conditionnement, de la persuasion.

Quand on refuse la collaboration, ce n’est pas parce que nous démonisons les fédérations. C’est pour identifier clairement notre tendance face à la leur, pour éviter les tromperies d’un faux consensus qui serait fatal pour le mouvement. On n’évite pas la récupération par une trêve avec les organisations qui nous ont récupéré avant. Au contraire, c’est par la force de la mobilisation, par la création d’un rapport de force face au gouvernement, certes, mais aussi face aux fédérations qu’on doit contraindre à rendre leurs tentatives de négociations caducs si nos revendications n’y sont pas amenées. Les revendications doivent être ancrées dans la réalité de la population étudiante pour permettre le déclenchement d’un mouvement de grève, chose que les fédérations n’ont jamais pu faire par elles-mêmes, et tout autant pour maintenir la vigueur de ce mouvement assez forte pour freiner toute récupération le moment venu.


UNE PROPOSITION DÉCENTE 

Considérant que les fédérations représentent un danger objectif de récupération de l’ASSÉ et plus généralement du mouvement de grève qui s’annonce, comme en témoignent les conclusions des deux dernières grandes grèves étudiantes, à savoir 1996 et 2005;

Considérant le fait que les fédérations agissent comme si elles étaient « la voix étudiante » parce que, entre autres choses, elles n’ont jamais refusé d’aller à la table des négociations même si elles étaient minoritaires lors des mouvements de grève, récupérant ainsi le rapport de force durement construit en assemblée générale par des organisations étudiantes en lutte;

Considérant que l’ASSÉ se définit depuis ses origines en opposition aux stratégies de concertation, et de surcroît à l’accent mis sur le volet médiatique et fait de la lutte une affaire d’information et de mobilisation de la population étudiante;

Considérant que la FECQ se distancie de la FEUQ aux abords de grandes luttes, mais finit par la rejoindre illico quand les enjeux se précisent;

Considérant que la vision de l’éducation de l’ASSÉ est incompatible avec celle des fédérations, l’une étant en rupture avec l’ordre social et l’autre jonglant avec le néolibéralisme et les prétentions sociale-démocrates du PQ;

Considérant qu’une collaboration ou une trêve de critiques contre les fédérations sans établir au préalable une stratégie d’ensemble en ce qui concerne le danger de la récupération augmente le potentiel de celle-ci et occulte du même coup les conflits historiques importants entre deux tendances du mouvement étudiant;

Considérant que c’est surtout l’ASSÉ et des associations étudiantes combatives mais non-alignées qui peuvent, au sein d’une coalition ayant des bases démocratiques et combatives, partir le mouvement de grève dans les campus et que cela constitue la preuve de leur autonomie, de leur force sociale et de leur détermination à aller jusqu’au bout;

Que l’ASSÉ adopte une attitude de méfiance face aux fédérations étudiantes tant et aussi longtemps qu’une entente ne soit pas conclue avec elles, laquelle devra garantir, de un, la présence de l’ASSÉ à la table des négociations dans le cadre de la campagne en cours, de deux, le respect de modalités démocratiques dûment consignées dans une entente concernant l’acceptation ou non d’une proposition gouvernementale, de trois, les responsabilités de part et d’autres lors d’événements en commun, de quatre, les conditions pour que la trêve médiatique devienne réalité;

Que l’ASSÉ travaille à l’écriture de la dite entente plutôt que de rencontrer ou discuter avec les fédérations, car elle doit d’abord poser ses limites (donc pas de manifestation, ni de sortie médiatique commune en attendant);

Que l’ASSÉ prenne le temps de consulter toutes ses associations membres sur les termes d’une telle entente avec les fédérations, puisque certains membres ont des positions critiques à l’égard des fédérations et que la question est des plus importantes en vue de la prochaine campagne;

Que cette entente, si elle est adoptée en congrès, devienne la stratégie de l’ASSÉ face aux fédérations;

Que l'ASSÉ ne signe cette entente que si elle est adoptée en assemblée générale par une majorité d'associations membres de chacune des organisations signataires;

Si l’entente est rejetée par les fédérations, que l’ASSÉ entretienne et médiatise la critique des fédérations sur la base, entre autres, du refus des fédérations d’accepter les termes d’une collaboration démocratique et viable pour l’ensemble du mouvement étudiant.

-----------------------------------------------------------------------------------

DIALOGUE DE LA JEUNESSE ÉTUDIANTE

Mais vous, vieux croûtons, dites-moi, si la société capitaliste divise le mouvement étudiant, sépare ses forces en deux dans l’espace pour mieux le neutraliser dans le temps, pourquoi diable vous vous opposez à la réconciliation tant attendue? N’est-ce pas contradictoire? 

Parce qu’ici, c’est la guerre. Celui qui n’a pas de stratégie périra aussitôt de la larme de son ennemi déguisé en ami. Vous voulez la paix, soit. Signons un contrat pour faire la guerre contre l’ennemi commun, un contrat qui soit la vertu même, basé sur la démocratie, la combativité, le respect mutuel, le refus de négocier l’un sans l’autre, l’extension de la critique, l’élargissement de la lutte par delà les intérêt étudiants, etc. Êtes-vous prêt à vous nier vous-mêmes? 

N’est-il pas prématuré de parler de tous les aspects de nos relations d’un coup? Ne pourrions-nous pas juste s’entendre sur quelques balises en vue de faire des manifestations et des sorties publiques en commun?

Non, surtout pas! Sachez que notre lutte est globale et ainsi se doit d’être notre stratégie. Le corporatisme étudiant que vous prônez joue le jeu du pouvoir. Les balises ridicules et les solutions fragmentaires que vous nous proposez n’y peuvent rien. Entre l’histoire et les faux consensus, notre choix est clair. Faites ce qu’il vous plaît, nous partirons la grève sur nos propres bases, comme d’habitude. Parlez aux médias, allez voir le ministre, ce n’est pas notre stratégie. Nous irons à nos assemblées générales de grève. Nous montrerons que nous existons! Nous ferons parler de nous et de nos revendications mieux ancrées dans notre réalité étudiante. Nous créerons un mouvement, un mouvement qui imposera notre volonté aux bureaucrates. C’est seulement ainsi que nous pourrons éviter la récupération, en se distanciant de manière critique du commun mais en agissant de l’intérieur du mouvement, de la base. Quant à vous, nous vous proposons une chose: Retournez vos armes contre vos organisations et faites violence à votre histoire! Sortez des fausses consultations gouvernementales qui ne valent rien de bon de toute façon. Alimentez votre haine contre l’État. Nous discuterons volontiers d’alliance ensuite.
________________
[1]. David Party-Cloutier, «Les étudiants préparent une grève générale», Rue Frontenac, 25 avril 2011.
[2]Mathieu Boivin, «Sortie contre les syndicats - Péladeau fustigé de toutes parts», Rue Frontenac, 21 janvier 2010.
[3]Jean-Marc Piotte, Du combat au partenariat, p. 205.

[4] Emanuelle Gruber, «Politique étudiante ou étudiants politiques?», Quartier Libre, consulté  le 3 mai 2011.
[5] Jean Baillargeon, sec. gén. du RAEU, «Le mouvement étudiant et le temps des remises en question», L’Action nationale, 1983.
[6] Benoit Lacoursière, Le Mouvement étudiant au Québec de 1983 à 2006.
[7] Il y avait bien eu une manifestation commune avec la FECQ en 1995, laquelle avait confirmé les différences irréconciliables entre le MDE et les fédérations étudiantes. Pendant la manifestation, des militant-e-s du MDE souhaitaient prendre une direction différente que celle imposée par le service d’ordre des fédérations, ce qui entraîna des chicanes et de la bousculade.
[8] Il faut comprendre que la logique du masque pour les premier-ère-s idéologues de l’ASSÉ est essentiellement de briser l’image du MDE pour favoriser les affiliations (en région surtout), mais cette ruse est en même temps la base d’une stratégie médiatique qui respecte ses règles intrinsèques.
[9] Rappelons-nous que les militant-e-s du MDE ont souvent confronté les dirigeants des fédérations dans la rue. Une fois, lors d’une grande manifestation exigeant du fédéral des retours d’argent pour l’éducation, les supporteurs du MDE ont bloqué la rue à toute une manifestation, utilisant des clôtures métalliques qui traînaient là et faisant face aux chefs des fédérations dépités ou colériques, derrière lesquels des milliers d’étudiant-e-s arboraient les mêmes pancartes standards à l’infini qui serviront plus tard à faire un grand feu de joie.
[10]Josiane Millette, Relations publiques et contestation: Étude de cas de la grève menée par les étudiants québécois en 2005, Mémoire de maîtrise, UQAM, 2011.
[11] C’est dans cette perspective que les fédérations se présentent toujours aux rencontres officielles avec le ministre, même si ce dernier est là pour les rabaisser, pour attaquer les conditions de leurs membres. Après, ils claquent la porte et font une sortie dans les médias, indignés, alors qu’il n’y aucune raison d’être surpris.
[12] ASSÉ, Rapport du  Conseil exécutif, Cahier de Congrès annuel 2004-2005, 14 mai 2005, p. 62.
[13] Guillaume Hébert, Gabriel L’écuyer, Éric Martin et Simon Tremblay-Pépin, «Quatre constats et neuf propositions pour l’ASSÉ», Cahier de Congrès d’orientation de l’ASSÉ, 25 novembre 2005, p. 255.
[14] Laquelle devrait rassembler l’ensemble des mouvements contre le néolibéralisme, qu’importe leurs spécificités, leurs problèmes ou leurs incompatibilités avec les principes de syndicalisme de combat.
[15]CSN, «Rencontre des partenaires en éducation», consulté le 4 mai 2011
[16] ASSÉ, Rapport du  Conseil exécutif, Cahier de Congrès d’hiver 2011, p. 8.
[17]Ibid.        
[18]ASSÉ,  Bilan du  Conseil exécutif, Cahier de congrès annuel 2010-2011, 23-24 avril 2011, p.54.
[19] David Party-Cloutier, «Les étudiants préparent une grève générale», Rue Frontenac, 25 avril 2011. 
[20]Conseil exécutif, «Vers une manifestation conjointe?», Cahier de congrès annuel 2010-2011, 23 avril 2011, p. 61.
[21] David Party-Cloutier, ‘«Les leaders étudiants s’unissent contre la hausse des droits de scolarité», Rue Frontenac, 25 mars 2011.
[22] Conseil exécutif, «Bilan de l’exécutif», Cahier de congrès annuel 2010-2011, 23 avril 2011, p. 54.
[23] Ibid, p. 54
[24]Charles Lecavalier, «Pourquoi l’ASSÉ est-elle toujours fâchée contre la FEUQ», Quartier libre, 19 avril 2011. 
[25] Le profil de la remplaçante de Françoise David, Émilie Guimond, étudiante en travail social âgée de 22 ans, militante étudiante et féministe en dit long.