«Aspirer à créer un groupe sans structure est aussi inutile et trompeur que prétendre qu’il existe des informations “objectives”, que les sciences sociales sont “dégagées des valeurs”, ou qu’il existe une économie “libre”. Un groupe “laisser-faire” est aussi réaliste qu’une société “laisser-faire” : la notion de groupe sans structure se transforme en un rideau de fumée qui favorise les fort-e-s ou celle et ceux qui peuvent établir leur hégémonie indiscutable sur les autres.»- Jo Freeman, La tyrannie de l’absence de structure
Le mystère entourant le fonctionnement d’un groupe politique quel qu’il soit, a quelque chose d’épeurant. Les personnes membres de Force étudiante critique en sont conscientes et ne sont donc pas tant surprises par le caractère hostile de certaines réactions au travail théorique auquel elles ont jusqu’à maintenant oeuvré. Cet élément d'inconnu, combiné à la sévérité sans complaisance de nos textes, a le don de faire apparaître un ressentiment qui vient malheureusement nuire au débat. S’il nous est impossible de renoncer à la deuxième difficulté sans sacrifier du même coup le coeur même de notre projet, nous tâcherons du moins dans ce texte d’aborder la première.
Qui nous sommes
Force étudiante critique rassemble des militant-es d’âges et de provenances variées. Formée le 20 novembre 2010, elle se veut une tendance critique du mouvement étudiant, de gauche comme de droite. FEC s’est construite autour d’une initiative visant à développer la culture nécessaire à une lutte victorieuse. Elle s’est fait connaître par trois publications (Bases préliminaires pour une grève générale illimitée victorieuse, Précisions sur les bases préliminaires et Sur les traces de la collaboration), mais reste encore à l’état embryonnaire dans la mesure de sa production. Nous sommes issu-e-s de milieux académique et de travail différents. Gravitant toutes et tous autour de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSÉ) depuis un certain moment, nous avons travaillé dans nos associations étudiantes locales depuis plus ou moins longtemps, de plus ou moins près. Nous ne sommes pas une gang de chums cherchant à parler plus fort que les autres. Nous venons de régions différentes, de cégeps et universités différents. Au sein du groupe, il y a même quelques travailleurs-euses qui ne sont plus sur les bancs de l’école. Nous avons appris à travailler ensemble, lié-e-s par certaines affinités politiques et par une critique commune qui nous avait d’abord mené-e-s à se réunir l’automne passé. Nous sommes toutefois conscient-e-s de l’existence d’amitiés préexistantes au groupe et nous travaillons à développer une méthode de travail qui réduit l’impact de ces alliances.
Notre méthode de travail
La première étape de la production de chacun de nos textes est l'écriture collective du plan de celui-ci. Le groupe est ensuite divisée en équipes formées selon une rotation visant, dans la mesure du possible, à faire travailler tout le monde avec tout le monde. Les équipes s’étant réunies pour écrire leur partie doivent aussitôt que possible l’envoyer sur google docs où les autres membres du groupe pourront dès cet instant aller y ajouter leurs idées et leurs corrections. Au fur et à mesure que les différentes parties ajoutées sur google docs commencent à former un texte cohérent, chacun et chacune est libre d’uniformiser celui-ci selon son jugement, et ce, jusqu’au deadline voté en réunion générale pour la période d’écriture. Une fois cette période terminée, on met le texte en page, l’imprime et le distribue, tout cela en se séparant le travail par équipe et en effectuant une rotation constante des tâches attribuées à chacune de celles-ci. Cette méthode progressivement élaborée par FEC s’est bien entendue construite sur la base de difficultés pratiques réelles qu’il serait naïf de prétendre avoir absolument dépassées. Notre code de travail est un outil qui ne trouve son sens que s’il s’appuie sur la conscience de notre fragilité passée et présente en tant que groupe ayant des prétentions démocratiques au sein d’une société profondément autoritaire.
Équation de notre méthode de travail:
Réunion (idée de texte) ⇢ Comités (écritures des parties) ⇢ Google docs (uniformisation et retravail des parties par tout le groupe) ⇢ Réunion ( adoption du texte)
Organisation et pédagogie
Dans une optique autant pédagogique que critique, nous avons décidé de fonctionner par un jumelage stratégique des forces. Ainsi, selon les projets en cours, les équipes de travail sont formées dans l’optique de restreindre les écarts créés par la disparité du niveau d’expérience des membres, en tenant compte par exemple de leur milieu social et de leurs connaissances spécifiques. Nous tentons d’être à l’affût des clivages dans le groupe afin de pouvoir les gérer collectivement et en faire tirer avantage au groupe. Ainsi, l’expérience passée et l’implication active se retrouvent jumelées pour donner naissance à une lecture critique de la situation du mouvement étudiant, une lecture se démarquant du flux incessant des informations qui concernent le sujet. Alors que les équipes travaillent séparément de leur côté à faire avancer leur projet respectif, des réunions générales sont tenues, à toutes les trois semaines, afin de mettre collectivement de l’ordre dans le projet général morcelé selon les tâches des différentes équipes. De nombreux défis à relever persistent en ce qui concerne l’écart dans le niveau de participation et de motivation des différents membres du groupe, mais nous y travaillons. Du reste, nous nous attarderons à la mise en place éventuelle d’un mécanisme d’accueil des nouvelles et nouveaux dans le groupe ainsi que la compréhension, en vue de les résoudre, des rapports d'influence et de domination informelle au sein du groupe puisque nous considérons qu’il s’agit d’enjeux prioritaires.
Le rapport du groupe aux non-membres
Force étudiante critique respecte et salue humblement toutes les manifestations de pensée critique et de doute par rapport à la vision figée des choses qui paralyse le mouvement étudiant comme toute notre société. C’est pourquoi l’avis de lecteurs et lectrices extérieur-es au groupe a été, pour plusieurs des documents écrits et distribués par FEC, sollicité avant la publication. Aussi, nous participons à un processus de discussion constante sur notre liste d’envoi électronique à propos de notre travail et de la situation dans les différentes associations étudiantes du Québec en ce moment. Nous sommes ouverts à poursuivre le dialogue avec quiconque nous enverra un point de vue constructif à notre adresse et nous continuons à intégrer dans notre groupe toute personne intéressée à travailler à l’amélioration et à la promotion de nos thèses.