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Il est hasardeux de prophétiser sur l'issue d'une grève. Quiconque s’y aventure peut rapidement perdre la face. Le caractère incontrôlable d’un tel mouvement renferme un potentiel d’émancipation insoupçonné. Un simple calcul de probabilité peut toutefois permettre de prévoir le comportement politique de différents acteurs parmi les plus importants. Or, parfois, les constantes historiques sont insuffisantes. Ça l’est d’autant plus à la suite d’une campagne de martèlement sur l’unité du mouvement. Il faut alors employer les grands moyens: prendre possession des documents officiels et les diffuser largement.
C’est ainsi que nous avons pris connaissance de l’état des réflexions au sein des fédérations étudiantes pour la négociation d’une nouvelle entente à rabais qui résultera de la récupération de la grève à venir dans le dos de l’ensemble des étudiant-es du Québec. Au prochain congrès de la FECQ, qui se tiendra en janvier, les représentant-es prendront position sur une proposition d’ “abolition des crédits d’impôts provinciaux et fédéraux pour l’éducation postsecondaire”, en échange du gel des frais de scolarité. Le libellé de la proposition parle de “réinvestir” les sommes issues de ces coupures de crédits d’impôts “prioritairement dans le gel des frais de scolarité”, ce qui signifie que la FECQ serait d’accord avec le gouvernement pour dire que les étudiant-es doivent contribuer plus à leurs études, et ne cherche qu’à adoucir les conditions dans lesquelles cette contribution sera versée.
Si les sommes récupérées par cette proposition ne sont pas suffisantes pour combler le manque à gagner causé par un recul de l’État sur les frais de scolarité, l’offre de la FECQ est quand même tout une aubaine pour le gouvernement, puisqu’elle accepte plus de 75% de l’appauvrissement amené par la hausse. En effet, l’abolition de ces crédits d’impôts amènerait 154 millions dans les coffres de l’État, alors que la hausse des frais de scolarité rapporterait à terme, en 2016, 191 millions annuellement. La FECQ serait donc prête à accepter un deal fiscal dans lequel plus des trois quarts du montant représenté par l’éventuelle hausse des frais de scolarité resterait à la charge des étudiant-es. En terme d’entente à rabais, difficile de faire mieux.
Par cette proposition, la FECQ ne cherche pas à contrer la logique de coupures et de reculs sociaux défendue par le gouvernement libéral, mais se contente d’aménager certaines attaques et de remettre à plus tard le moment où les frais de scolarité seront payés. Il s’agit de l’attitude traditionnelle des fédérations étudiantes, qui plutôt que de lutter contre les politiques qui nous appauvrissent, ont choisi de participer à fond la caisse à la gouvernance néolibérale en proposant des reculs moindres, telles des pilules de poison enrobées de sucre.
Face à une telle provocation de la FECQ envers les milliers d’étudiants et étudiantes qui étaient à la manifestation le 10 novembre dernier, on est en droit de se demander comment il a pu être possible qu’ils et elles n’aient alors même pas été au courant. Que dire, en effet, du silence que certains exécutifs qui étaient depuis longtemps informés de l’existence de cette entente ont gardé pour des raisons qu’ils jugeaient stratégiques? Est-ce à eux de décider de quelle stratégie la base étudiante doit se munir pour faire face aux défis qui l’attendent? Et surtout, ignoraient-ils vraiment que le fait de maintenir cette base dans l’ignorance des enjeux réellement en présence ne pourrait que nuire à ses chances d’élaborer une stratégie qui soit la sienne? Pour nous, il est clair que le simple fait que nous soyons obligé-es de diffuser nous-mêmes le document que nous vous transmettons aujourd’hui démontre un grave manque de transparence de la part des associations nationales et de leurs exécutifs.
À la politique d’opacité et de contrôle serré de l’information favorisée par les fédérations étudiantes, nous devons opposer la totale transparence de nos associations, sans laquelle la démocratie n’aurait plus de sens. L'information constitue un levier précieux pour quiconque veut maintenir son pouvoir sur un mouvement, qu’il soit des fédérations ou de l’ASSÉ, mais elle est également une arme redoutable contre eux. Puisque nous prônons le contrôle total de la lutte par la base, nous affirmons que c’est à celle-ci que le contrôle des armes doit revenir. Force étudiante critique appelle donc à la diffusion large et immédiate de toute information qui concerne directement le mouvement, c’est-à-dire à l’ensemble des individus qui le composent et qui écoperont des conséquences à l’issue de la lutte. Cela doit selon nous être fait sans égard aux prétendues stratégies qui ont besoin de l’aveuglement général pour porter fruit.