mercredi 16 mai 2012

Merci

Nous étions nombreux et nombreuses au Palais de Justice, en solidarité avec des camarades qui vivent actuellement des heures sombres dans les geôles de la police. Merci d'être venu-es démontrer que nous resterons debout, à ne pas avoir peur, à continuer de défier le gouvernement, même si celui-ci inculpe des grévistes en vertu de mesures anti-terroriste. 



Nous devons continuer de nous montrer solidaires car si nous ne le faisons pas, cela révélera une fracture, une division alors que ce ne sont pas seulement. 4 personnes qui se font juger, mais toutes les autres qui ont des procès en attente, qui ont été aussi emprisonnées, qui ont perdu un oeil, des dents, qui se font briser une jambe ou des côtes, intoxiquer par les gaz du SPVM et de la SQ. Que vous les connaissiez ou non, ça pourrait être la personne qui est à côté de vous dans une manif ou une action, une personne avec qui vous avez crié des slogans, avec qui vous avez couru parce que les flics chargeaient dans le tas, et peut-être même une personne avec qui vous avez discuté, pris un tract, bu une bière. Ça peut être n'importe qui d'entre nous. Continuons à se serrer les coudes pour aller de l'avant.

Aussi, pour d'autres infos, voici une initiative de leurs collègues de l'UQAM: https://sansterrorisme.wordpress.com .

samedi 12 mai 2012

The show must go down



L'escouade médiatique, avec aux avant-postes le journal La Presse et ses journalistes Gabrielle Duchaine, Vincent Larouche et Daphné Cameron, est parvenue à cerner le bouc-émissaire depuis longtemps recherché. Dans la tempête sécuritaire délirante qui souffle sur Montréal depuis la paralysie matinale du service de métro, notre groupe est pointé du doigt par ces médiocres journalistes comme l'épouvantail de service, le repère de radicaux et de radicales en pleine révolte, une poule pas de tête qui s'agite dans tous les sens en ayant pour objectif la perturbation maximale de tout ce que cette société compte de ponts, de tunnels, de chemins de fer, et quoi d'autre encore ?

Les règles du jeu: les nôtres

Nous ne nous livrerons pas en pâture aux journalistes, qui cherchent désespérément à nous contacter pour obtenir nos commentaires, car nous refusons de participer au cirque médiatique. Les informations que ceux-ci et celles-ci recherchent à notre sujet se trouvent déjà sur notre site et elles sont accessibles à quiconque daigne s'intéresser un minimum à notre projet. Nous n'avons rien à dire de plus que ce qui y est déjà écrit, et l'ensemble de nos textes déjà parus nous semblent de nature à satisfaire toute curiosité à notre égard.

Nous appelons plutôt à la solidarité active sans dissociation ni condamnation avec toutes les personnes criminalisées par l'État dans le cadre du mouvement de grève actuel, que ce soit en raison d'actions de perturbation, de manifestations ou dans les situations d'injonction. Cette solidarité s’exprime par une responsabilité collective vis-à-vis du sort de chacune et chacun. Dénoncer la criminalisation par des manifestations ou des vigiles, s’opposer aux arrestations ciblées et à la délation, apporter un soutien légal, financier et moral aux arrêté-es et exiger l’abolition de leurs chefs d’accusation, surveiller les pratiques de la police, soigner les blessé-es, se serrer les coudes. Tout ceci constitue les bases d’une culture de lutte qu’il faut entretenir et développer. La répression policière et ses conséquences à court, moyen et long terme est une attaque sans commune mesure avec les actions qui ont ponctué le mouvement en cours. Nous nageons toutes et tous dans le même bassin de marde. Nous ne laisserons personne s’y noyer.

La mise en scène d’un show de boucane

Nous réagissons ainsi au traitement médiatique et policier qui prévaut actuellement. Nous constatons qu'avant même que des accusations formelles ne soient portées par le Service de Police de la Ville de Montréal, les personnes soupçonnées d'être à l'origine de l'action de jeudi matin dans le métro de Montréal ont eu droit à une inquiétante présomption de culpabilité, relayée sans gêne par les médias. Leurs adresses personnelles ont été dévoilées, leur vie privée scrutée à la loupe, les commentaires désobligeants de faux amis ont été publiés comme une vérité indiscutable. Leurs opinions politiques ont été ostracisées, en dépit de la présomption d'innocence qui, dans un pays où les élites politiques et le consortium médiatique s'empressent à tout bout de champs d'en vanter les mérites démocratiques, semble ici avoir été curieusement balayée du revers de la main par les piètres enquêteur-es et chroniqueur-es bas de gamme.

Le désir pervers des journalistes et de leurs boss est de diaboliser des militantes et militants en premier lieu, puis un groupe politique en second, et par extension l'ensemble des groupes qui se positionnent à la gauche de la CLASSE et des fédérations étudiantes. Il s'agit, hors de tout doute, d'une attaque politique en règle. La dénonciation et la stigmatisation font partie intégrante du processus de répression, car elles apportent une caution à celle-ci. En choisissant cette voie, La Presse et ses suiveux nous démontrent, encore une fois, de quel côté de la barricade ils se dressent: celui de la matraque, des arrestations, des gaz, du poivre et des balles de plastique. Les petits chefs de pupitre appuient l’érosion de nos libertés tel que prévu dans les projets de lois sur le port du masque et l’obligation de fournir un trajet pour les manifestations. Est-il étonnant, dans ce contexte, de constater que Jean Charest lui-même profite des largesses du propriétaire de ce torchon, en séjournant à plusieurs reprises dans son somptueux domaine de Sagard ?

Nous condamnons avec force les méthodes fascisantes qui se multiplient présentement au Québec lorsqu'il s'agit de traiter des événements de perturbation sociale. Nous estimons qu'en regard de la brutalité de l'État contre ceux et celles qui osent contester son autorité, le mouvement social actuel est davantage docile que perturbateur. Les minorités agissantes qui commettent des actes pour lesquels elles s'exposent à des peines criminelles sont sans surprise traînées dans la boue par les faiseurs ou faiseuses d'opinions à la sauvette, les laquais de l'industrie médiatique, elle-même au service d'intérêts autrement supérieurs. Nous revendiquons le droit à la résistance pour toutes celles et tous ceux qui en ont ras le bol de cette société étouffée par la désinformation continuelle des médias de masse, qui ne sont plus capables d'endurer les politiques antisociales du gouvernement. Pour tout le monde écœuré de se faire agresser, blesser et insulter par les forces de police - qui laissent entre la vie et la mort des manifestantes et manifestants dont on ne daigne même plus, par la suite, s'interroger sur leur sort - pour toute cette masse de gens qui, partout dans le monde, luttent contre toutes les violences imposées par la restructuration capitaliste, pour toutes ces personnes-là, nous revendiquons le droit à la juste colère, à l'action directe et à la révolte contre un système politique, économique et social qui abrutit les consciences et détruit des vies.

À vouloir criminaliser toutes formes de protestations, à vouloir terrifier les contestataires pour mieux alimenter les fantasmes de bûcher d'une « opinion publique » contrôlée, l'État, dans un élan totalitaire, consolide son austérité à coups de violences dites légitimes. Il ne recule pas, ne discute pas, ne s'ébranle pas outre-mesure face aux répercussions de son intransigeance. Il consacre plutôt toutes les ressources dont il dispose à faire taire une bonne fois pour toute un mouvement social qui a mainte fois fait ses preuves. Il espère qu'une fois qu'il en aura fini de marginaliser, de diviser et de ridiculiser les critiques qui s'élèvent à l'égard de ses politiques tarifaires - ce en quoi consiste le projet néolibéral - il aura champ libre pour poursuivre la purge des services sociaux que l’on voudrait libres du privé, de qualité et accessibles… Nous ne nous laisserons pas prendre dans les mailles du filet.

L’unité dans le déchirement

Nous nous adressons au mouvement en lutte. Ne nous laissons pas déconcentrer par la loupe médiatique au service de l'idéologie dominante. En symbiose avec le pouvoir, les médias délateurs sont des cibles de choix pour les actions à venir. L'État cherchera désespérément des responsables et il s'en prendra aux plus combatifs et combatives d'entre nous : sa répression est politique et il trouvera tous les prétextes nécessaires pour tenter de mettre au pas celles et ceux qui, de plus en plus, osent le confronter, que ce soit dans la rue, dans les assemblées générales, dans les comités d'action et de mobilisation ou par la simple plume. On tente de présenter comme plus légitime les tendances qui exigent le moins possible, qui sont les moins dangereuses pour le maintien d'un semblant de statu quo afin de diviser le mouvement et d’isoler les tendances plus radicales de celles plus réformistes. Ne cédons rien. C'est seulement par la continuité du mouvement, l’expansion et l'intensification de celui-ci que nous pourrons aspirer à une société plus juste. The show must go down. La lutte continue.

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Nous appelons à une vigile de solidarité avec les personnes arrêtées dans le cadre de ce dossier et avec toute personne judiciarisée ou blessée dans le cadre de la lutte actuelle. Elle aura lieu le lundi 14 mai à 11h30 devant le Palais de Justice rue Saint-Antoine.

Post-scriptum:
Nous sommes très heureuses et heureux de constater que les journalistes de La Presse se sentent comme des stools en prison après avoir lu notre texte, mais ce n'était pas notre intention de leur faire peur. Les actions auxquelles nous faisions référence étaient du type de celles énumérées dans notre texte: vigile, manif, piquetage.
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The show must go down

The mainstream media swat team, with at its frontline newspaper La Presse and its journalists Gabrielle Duchaine, Vincent Larouche and Daphné Cameron, have finally succeeded into isolating the scapegoat that for long they’ve been looking for. Within the storm of securitarian mayhem that swept over Montreal since the morning-time paralysis of the Metro service, our groupe became the target of these mediocre journalists as the usual scarecrows, a den for radicals in all-out revolt, a headless chicken that’s agitating itself in all directions with the objective of maximal disruption of everything that society has in terms of bridges, tunnels, railroads, and what else?


The rules of the game: ours

We won’t deliver ourself as pasture to journalists, who are desperately looking for ways to contact us to obtain our comments, because we refuse to take part in the circus of the mainstream media. The informations on us that they are looking for is already available on our website et these are accessible to anyone who has the smallest interest in our project. We have nothing to add to what was already written, and the whole of the texts already published seem to be enough to satisfy curiosity towards us.

We are rather calling for active solidarity without any distinction nor condemnation with all those individuals criminalized by the State within the framework of the actual student strike movement, may it be for actions of disruption, protests or those in the many situations of injunction (a despotic measure still used by the courts to force teachers to give classes during the strike, countered repeatedly by the active blocking of colleges/universities by protesters). This solidarity expresses itself by the collective accountability in regards to the fate of each and every one. Denouncing this criminalization through protests or vigils, opposing the targeted arrests and snitching, bringing legal, financial and moral support to the arrestees and pressuring for the cancellation of their charges, watching the Police practices, giving first aid relief to the wounded, to hold on to each other. All this represents the basis of a culture of struggle that we must maintain and further develop. Police repression and its short/middle/long term consequences is an attack that has no common measure with the actions that punctuated the ongoing movement. We are all bathing in this same shit basin. We will let no one drown into it.


Staging a show of smoke (and mirrors)

Nous are reacting as such to the media and police treatment that now prevails. We noticed that even before the formal accusations were brought by the Montreal Police Department (SPVM), the persons suspected of having carried out the action on Thursday morning in the Montreal Metro were served with an worrying accusation of guilt, relayed without any hesitation by the mainstream media. Their personal addresses were made public, their private lives put under the microscope, the nasty remarks by their false friends were publicized like an unquestionable Truth. Their political opinions were ostracized, albeit the presumption of innocence that, in a country where the political elite and media consortium are bragging about it all the time, appeared to have been curiously swept away by the mediocre investigators and the low-grade columnists.

The perverted desire of the journalists and their bosses is to demonize the militants first, then a political group after, and then extending this to all the groups who are positioning themselves at the left of the CLASSE and the student federations. It consists, beyond any doubt, of a political attack by-the-book. The defamation and stigmatization play an integral part in the repressive process, because they are proving it with a bail-out. By choosing this way, La Presse and its sheep are demonstrating, once more, on which side of the barricades they position themselves: that of the baton, the arrests, the nerve gases, the pepperspray and the plastic bullets. Their little desktop leaders support the erosion of our liberties as projected through the House bill on mask-carrying and the obligation to provide the Police with a protest route. Is it surprising, in that context, to notice that Jean Charest himself is benefiting from the luxury of this toilet news paper’s owner (that ultra-rich globalist Paul Desmarais), by repeatedly taking vacations in his posh villa of Sagard?

We are condemning with strength the fascistic methods that are currently multiplying in Quebec when it comes to treating these events of social disruption. We are estimating that in comparison with the State brutality towards those who dare opposing its authority, the actual social movement is more submissive than it is disruptive. The acting minority who are committing acts for which they are facing criminal charges are unsurprisingly trailed in the mud by the purveyors of easy-thinking opinions, the lackeys of the big media industry, herself at the service of higher interests. We are claiming the right to resist for all for all those who are fed up with a society muzzled by the continuous disinformation of the maintream media, who are incapable of enduring the antisocial policies of the government. For all those who are pissed off of being harassed, injured or insulted by the police forces - who leave between life and death protesters that many will stop caring about later - for all this mass of people who, around the world, are struggling against all the violence imposed by capitalist restructuring, for all those people, we are claiming the right to legitimate wrath, to direct action and to revolt against a political, economic and social system who’s dumbing down consciousness and destroying lives.

By seeking to criminalize all forms of protests, by seeking to terrify the protesters in the hope of feeding-off the fantasies of witch-burning through a controlled “public opinion”, the State, in a totalitarian leap, is consolidating its authority with shots of so-called legitimate violence.
It doesn’t step back, nor discusses, neither it shakes itself out of measure in the face of the outcome of its recklessness. It is rather focussing all its resources at its disposal to shut up once and for all a social movement that has numerously proven itself. It hopes that one day it will be done with marginalizing, dividing and ridiculing the critics that are arising in the face of its tariffing policies -in which the neoliberal project consists- it will have the free way to pursue its purge of social services that we’d like to keep away from the private sector, accessible and of quality... We will not let ourselves fall in this trap.


Unity through tearing apart

We are addressing the struggling movement. Let’s not let our focus be taken away by the lens of the mainstream media a the service of the dominant ideology. In symbiosis with power, the snitch media are targets of choice for upcoming actions. The State will desperately try to find those responsible and will go after the most combative among us: its repression is political and it will find all the necessary pretexts for attempting to force those who confront it into submission, may it be in the street, in the general assemblies, in the action and mobilization committees or just in their writing. We are attempting to present as more legitimate the tendencies that are the lesser demanding, the lesser dangerous for the maintaining of the status quo in order to divide the movement and isolate the more radical tendencies from the more reformist. Let’s cede nothing. It is only through the continuity of the movement, the expansion and intensification of it that we can aspire to a fairer kind of society.

The show must go down. The struggle continues.

lundi 7 mai 2012

Ce syndicalisme que l'on combat

Et ce qui devait arriver arriva. L’essentiel de la contre-offre de la FECQ-FEUQ a été récupérée en une stratégie de sortie de crise sans gain sauf à très court terme. Après douze semaines intenses de grève, d’assemblées générales, de piquetage, de lutte aux injonctions, de solidarité, de rage, de blessures, d’arrestations, de manifestations, voilà ce à quoi on nous convie: à reporter de six mois la hausse de manière conditionnelle et réversible en attendant le rapport d’un comité truqué et sans aucune garantie. Une belle arnaque pour pousser un retour en classe et nous faire perdre notre rapport de force. L’erreur de la CLASSE a été de vouloir occuper à tout prix le terrain autrefois monopolisé par les fédérations étudiantes. Maintenant, elle abdique son syndicalisme de combat qui ne plaît pas à l’opinion publique pré-fabriquée et vacille maladroitement entre la négociation et la rue, causant plus de torts que de bien. Elle clame être l’association nationale ayant le plus de légitimité pour aller négocier, mais dans les faits elle ne peut que répéter sa revendication de retour aux frais de 2007. Ainsi, confrontée aux inévitables compromis d’une négociation, elle se trouve concrètement à n’avoir d’autre choix que de négocier un recul social et de se perdre dans les dédales de la concertation. En signant cette entente de principe, elle vend notre grève de trois mois contre la création d’un conseil producteur de statu quo et de potentielles miettes d’épargnes en frais afférents.

Pendant que nous sommes matraqué-es, gazé-es, blessé-es en essayant de perturber concrètement le congrès du parti libéral, que certains perdent des dents ou un œil, que nous mangeons du gaz, que nous tentons de renvoyer les bombes lacrymo vers la police équipée de masques et de balles de plastique, le co-porte-parole de la CLASSE nous appelle au calme. Sur commande, il répète comme un politicien automate son mandat de condamnation de la violence contre les personnes sauf en cas de légitime défense, laissant dans le flou s’il déplore nos actes ou ceux de la police. Deux étudiants qui ont frôlé la mort reposent toujours à l’hôpital et auront des séquelles à vie. Ils s’ajoutent à tous les autres blessé-es, humilié-es, arrêté-es et accusé-es abusivement dans les dernières semaines. Cette offre minable obtenue au bout d’un marathon de négociations se signe alors que notre contestation vient de vivre son épisode le plus sanglant. Mais on nous dit d’entendre raison, d’être de «bonne foi», que tous ces gens peuvent aller se rhabiller: on verra tout ça dans six mois. On jurerait entendre au loin: « Cette grève est maintenant terminée, on vous demande de vous disperser et de rentrer en classe».

Toujours aussi pauvres... avec des principes en moins?

L’offre du gouvernement ne recule en rien sur la hausse prévue des frais de scolarité. Elle instaure plutôt un comité, majoritairement composé de représentant-es gouvernementaux et patronaux, ayant comme objectif de trouver des sommes à couper dans les universités. Les sommes récupérées par cet exercice seraient réinvesties dans la diminution de la facture étudiante, mais seulement jusqu’à hauteur des frais afférents. En attendant la remise du rapport de ce comité, les universités permettront aux étudiantes et étudiants de remettre à plus tard le paiement de leurs frais afférents pour un montant équivalent à la hausse de la session d’automne. Mais si le comité ne trouve pas suffisamment d’argent à couper, ces frais seront tout de même perçus rétroactivement.

Avec la signature de cette offre, la CLASSE entre de plain-pied dans la logique néolibérale qu’elle prétend pourtant dénoncer. La hausse des frais de scolarité s’inscrit en effet dans une politique plus générale visant à transférer le financement des services publics de l’impôt plus ou moins progressif vers une tarification basée sur le principe de l’utilisateur-payeur. Ainsi, on assiste avec l’acceptation du principe de la hausse des frais de scolarité, synonyme de l’abandon de celui de la gratuité des services publics, à un véritable renoncement politique qui place désormais la CLASSE au même niveau que les fédérations étudiantes et les syndicats corporatistes. On ne critique plus la politique tarifaire du gouvernement, on se contente maintenant de faire de la gestion à la baisse des budgets destinés à la population étudiante. L’ensemble des paramètres de la création du conseil d’évaluation de la gestion des universités font partie d’une démarche concertationniste contraire aux principes qui animent supposément la coalition de grève.

Cette nouvelle instance de surveillance bidon mis en place par l’offre, où siégeraient côte-à-côte délégué-es étudiantes et étudiants, idéologues de droite et représentant-es des intérêts patronaux vise l’atteinte d’une bonne gouvernance apte à conformer la gestion des universités aux principes néolibéraux. On leur applique des critères d’efficience et de productivité traditionnellement réservés au privé pour en assurer la bonne gestion, détournant ainsi le savoir vers des fins privées. C’est dans ce jeu de pillage du savoir public par le privé que la FECQ-FEUQ et la CLASSE se sont embarquées en cherchant à tout prix à être reconnu comme des interlocutrices crédibles et raisonnables auprès du gouvernement afin d’avoir l’accès à une table de négociation , sur laquelle le gouvernement n’a jamais eu l’intention de siéger sérieusement.

C’est là où la logique des négociations devait forcément mener une CLASSE qui, tout en se réclamant des principes du syndicalisme de combat, a dans les faits une pratique qui tend vers un concertationnisme se rapprochant de celui des fédérations étudiantes. Le syndicalisme de combat, duquel se réclame l'ASSÉ dans ses principes de base, implique de compter avant tout sur nos propres moyens, sur notre rapport de force et sur nos propres outils de mobilisation et de diffusion. Or, la stratégie de la CLASSE est plutôt marquée par ses tentatives d’intégration à des médiums dont le contrôle nous échappe, à commencer par une acceptation tacite de la logique des médias de masse par le comité médias jusqu'à la participation à cette table de négociation de laquelle le gouvernement tire toujours les ficelles.

L’optique d’une lutte victorieuse par un rapport de force est incompatible avec l’idée du compromis. Le syndicalisme de combat sous-tend que les décisions du gouvernement sont soumises aux groupes qui exercent sur lui une pression, dans la plupart des cas de nature économique. Présentement, le mouvement étudiant écrase le gouvernement d’une pression économique (frais de la répression, le salaire des profs qui n’enseignent pas, les pertes liées au blocages, etc.) et structurelle (immobilisme complet du système de l’éducation) qui l’oblige à modifier son budget, à élaborer des plans pour tenter de résorber le conflit social en présence. Et oui, ça marche! Ce sont ces pressions instaurées par le syndicalisme de combat qui amènent le gouvernement à ouvrir sa table aux stratégies concertationnistes. Ces prétendues négociations sont une issue facile au conflit pour le gouvernement et ses allié-es, mais elles demeurent vaines tant que le mouvement ne les légitime pas. Heureusement, la base étudiante ne semble pas dupe de ces stratégies louvoyantes, les rejets de l’offre gouvernementale étant, ce lundi 7 mai, extrêmement massifs.

L’atteinte des revendications claires et globales affichées depuis le début de la grève est la seule véritable solution qui doit être présentée au gouvernement puisque de toute façon le mouvement étudiant ne prendra fin qu’aux conditions qu’il se votera ou à son épuisement. Le gouvernement attendait l’épuisement, il l’attend toujours... mais cette fois, avec une annulation palpable des sessions collégiales, le temps joue en sa défaveur. Le compromis qui viserait à consentir une diminution de nos revendications n’est pas défendable. Ce n’est pas stratégique: dans tous les cas, il y aurait recul social, échec que le mouvement peut et doit éviter. Ce n’est pas raisonnable non plus: un bras de fer entre le bien commun et le néolibéralisme ne se soldera jamais à l’amiable. Peu importe nos arguments, nous ne convaincrons pas les dominants: il nous faut les vaincre. Pour ne pas saper nous-mêmes cette lutte que nous menons, nous ne pouvons leur céder du terrain ni sur le plan des revendications, ni sur celui des conditions dans lesquelles se déroulent ce qu’ils appellent faussement «négociation». Suivre à la lettre les règles du jeu de la négociation imposées par l’autre partie, telles que d’exclure des membres du comité de négos à la table, respecter un huis clos contraire aux mandats de la CLASSE, souscrire à une trêve (ou même y prétendre), subir des négos de 22 heures sans arrêt au moment où des personnes se font brutaliser et blesser gravement au congrès du PLQ, en plus de se soumettre à la demande de condamner la violence encore une fois, ce n’est plus du syndicalisme de combat. Si les associations membres de la CLASSE ne se réveillent pas, cette dernière se dirigera tout droit vers le mur du discours comptable et de la gestion de coupures, laissant mourir les débats de fond et les idéaux sociaux qui devraient normalement l’animer.

La multiplication des miettes

Les fédérations étudiantes ont lancé les grenailles de gains en premier avec leur contre-offre du 1er mai, donnant au gouvernement la possibilité d'accepter un moratoire de deux ans sur la contribution étudiante et sur celle des contribuables en échange du retour en classe. Le tout, bien sûr, sans avoir consulté leurs assemblées générales. Non sans surprise, les tendances fortement anti-démocratiques des fédérations étudiantes ont donné l’image d’un mouvement faible face au gouvernement. Une erreur titanesque alors que nous sommes toujours plus de 150 000 étudiant-es en grève. Ignorant la puissance du rapport de force émanant de la rue, les fédérations ont commencé à vendre le mouvement de grève. Ainsi, récoltant les miettes pour en faire de plus petites, le gouvernement s’est empressé d’accueillir avec tant de bonne foi différentes personnes à sa table afin de nous offrir encore plus de bouette à la sauce gouvernance néolibérale et encore plus de miettes que les fédérations étudiantes.

Si nous pensions que le moratoire de deux ans des fédérations étudiantes était un suicide social, un pseudo moratoire de six mois réversible est une complète destruction de tout futur élan contestataire, de tout autre soulèvement social, signant la mort du mouvement étudiant. La grève a fait ses preuves dans plusieurs luttes sociales, syndicales et ouvrières et si elle a réussi si souvent, c’est que celles et ceux qui y ont participé n’ont pas abandonné aux premiers simulacres d’ouverture de la part de la partie adverse.
Comment convaincrons-nous les gens de retourner en grève, de remettre en péril leur diplôme, de revivre la répression policière et le profilage politique, de revivre la discorde au sein de leur famille face à cette lutte, et davantage après un échec aussi lamentable ? Que dirons-nous aux dizaines de blessé-es graves et à leurs proches? Retournez en classe, on verra dans six mois si on est capable de réduire la hausse d’un montant inconnu et non-garanti ? Le tout dans un processus soumis à un conseil géré majoritairement par des recteurs riches à craquer et des représentant-es nommé-es par une ministre qui déjeune avec la mafia ?

Au cours de cette grève, les attaques au droit à la contestation ont fait preuve d'une violence structurelle de plus en plus agressive. À ce stade-ci de la lutte, la grève, plus qu'un moyen de mettre fin à une hausse, se porte aussi à la défense de la légitimité des mouvements sociaux. Après avoir tant lutté pour l’accessibilité à l’éducation, pour abaisser les barrières économiques qui l’obstruent, nous ne pouvons nous permettre de rentrer en classe sans même que les revendications à la base de notre lutte n’aient été entendues. Au point où nous en sommes, nous ne pouvons vraiment rien perdre de plus, nous avons tout à gagner, restons en grève!





Gagnant-gagnant mon cul !

Même d’un point de vue corporatiste, l’offre gouvernementale est ridiculement décevante: elle ne comporte aucune garantie de gains pour les étudiant-es, ne faisant que reporter le problème de 6 mois. Le montant de 125$ réduisant la facture étudiante la session prochaine n’est pas même garanti à long terme: c’est seulement une marge de crédit ouverte au cas improbable où les discussions sur la gestion des universités porteraient fruit.

L’offre propose aussi la création d’un comité chargé de dégager des sommes dans la gestion des universités, mais n’ayant aucun pouvoir réel: la décision finale d’appliquer ou non ses recommandations reviendra à la ministre. La composition du comité, où la partie gouvernementale sera majoritaire, ne permet aucunement de penser que ce qui s’y discutera sera bénéfique. La forte présence des recteurs d’universités, par exemple, empêchera certainement de remettre en question les salaires indécents de ceux-ci ou bien la qualité de leur gestion, et ce malgré les illusions puériles du président de la FECQ, Léo Bureau-Blouin. La nature de ce qui sera considéré comme du gras à couper est toujours inconnue et personne ne peut garantir que les services aux étudiant-es ne seront pas prioritairement ciblés. 

De même, les sommes dégagées par l’exercice de gestion des coupures ne seront réinvesties que dans la diminution des frais afférents (FIO), alors que ceux-ci varient non seulement considérablement d’université en université, mais ne sont pas suffisamment élevés pour compenser la hausse prévue même s’ils étaient complètement éliminés. En moyenne, ces frais représentent 700$ par année. S’ils sont entièrement éliminés, la hausse demeurera tout de même de plus de 1000$ par année. L’offre est donc financièrement extrêmement limitée et les possibilités sont grandes pour qu’elle ne se matérialise tout simplement pas. 

En résumé, il nous est dit qu’on s'arrange pour que la facture n'augmente pas le temps qu'un comité remette un rapport sur la gestion des universités, dans 6 mois. L'objectif est de donner un bonbon assez gros pour forcer un retour en classe et nous faire perdre notre rapport de force. La hausse est maintenue. On ne gagnera rien avec ça.